Publié : 2 décembre 2022

Étourderie

Beûjenaidge

Bernard Chapuis

Publié dans le Quotidien Jurassien le 2 décembre 2022

Beûjenaidge

- I vois qu’ t’és ïn noeud en ton moétchou. - Ô. Ç’ât mai fanne qu’ l’é fait. Po qu’i n’rébieuche pe de botaie sai lattre en lai pochte. - Dali, t’ l’és botèe ? - Nian, èlle é rébiè de m’ lai bèyie. Dains ci coupye, ès étïnt tos les dous ébieûgis. Bregnaîd , çtu qu’i vôs djâse âdj’d’heû, l’ât tot ataint, craibïn pus. Èl é aimodiè ènne maij’natte predjue dains l’ Çh,ôs di Doubs po y graiy’naie sai trâjieme théje de dottoérat. È veut poéyaie traivayie sains étre déraindgie. Ne fanne, ne afaints. Ne boéte que djâse, ne portâbye, encoé moins de laivimaidge. Èl étudie le cèltitçhe èt les traices que çte laindye dichpairue é léchi dains not’ bon véye patois. Èl é fait v’ni d’i n’sais p’ laivou ïn yivre feu d’ prix. Les prâtous yi aint r’ commaindè d’en aivoi le pus grant tieusain. Èl é tiute de se piondgie dains ci préciou l’ôvraidge. Mais laivou ât-ce qu’èl ât ? « Laivou ât-ce qu’i aî bïn pu l’ botaie ? » Dains son sait chu l’ poétche-mainté ? Nian. Dains l’ sait è y é sai boéche, des breliçhes de s’raye, des moétchous. Ch’ lai tâle ? Pe pus. Ch’ lai tâle è y é des soulaîse en toiye, ènne vèchte contre lai pieudge, une laimpe de baigatte, ènne théyiere, ènne étçhéyatte, ènne foértchatte, ïn couté, des fruts. Bregnaîd ât sôle de tçheri . Chneuquaie bèye soi. È chlapp’rait bïn ènne petète biere. Èl œuvre le frigo èt qu’ât-ce qu’è voit ? L’inestimâbye yivre qu’èl é taint tçheri. Notes Beûjenaidge, étourderie (de beujon ) aimodiè, loué boéte que djâse, téléphome et laivimaidge, télévision, sont deux néologismes introduits dans notre patois ---- Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis

Étourderie

- Je vois que tu as un nœud à ton mouchoir- - Oui. C’est ma femme qui l’a fait pour que je n’oublie pas de poster sa lettre. - Alors, tu l’as postée. - Non, elle a oublié de me la donner. Dans ce couple, ils étaient tous les deux étourdis. Bernard, celui dont je vous parle aujourd’hui l’est tout autant, sans doute encore davantage. Il a loué une petite maison perdue dans le Clos du Doubs pour y rédiger sa troisième thèse de doctorat. Il tient à travailler sans être dérangé. Ni femme ni enfants. Ni radio ni portable, encore moins de télévision. Il étudie le celtique et les traces que cette langue disparue a laissées dans notre bon vieux patois. Il a emprunté je ne sais où un livre précieux. Les prêteurs lui ont recommandé d’en avoir le plus grand soin. Il a hâte de s’y plonger. Mais où est-il ? « Où ai-je bien pu le déposer ? » Dans son sac sur le porte-manteau ? Non. Dans ce sac il y a son portemonnaie, des lunettes de soleil, des mouchoirs. Sur la table ? Pas davantage. Sur la table il y a des baskets, une veste contre la pluie, une lampe de poche, une théière, un bol, une fourchette, un couteau, des fruits. Bernard en a assez de chercher. Chercher donne soif. Il boirait bien une petite bière. Il ouvre le frigo et qu’est-ce qu’il voit ? Le précieux livre qu’il a tant cherché. Notes Beûjenaidge, étourderie (de beujon ) aimodiè, loué boéte que djâse, téléphome et laivimaidge, télévision, sont deux néologismes introduits dans notre patois { {{Les chroniques patoises de Bernard Chapuis en 2022}} } {{ {Toutes les chroniques patoises de Bernard Chapuis} }}