Publié : 23 avril 2021

Dernières volontés

Drieres v’lantès

Bernard Chapuis

Publié dans le Quotidien Jurassien le 23 avril 2021

Drieres v’lantès

Tote lai faimille ât réunie po fétaie les cent ans d’ lai mïnmïn. Èlle ât encoé en forme, èt chutot èlle é tote sai téte. Bon pie, bon l’eûye. Aidjoutans boénnes aroyes âchi. Louyije, ènne d’ ses riere-petètes-féyes,yi d’mainde : - Mïnmïn, qu’ât-ce que te choites po lai cheute ? - Yé bïn, i n’ tïns p’ è étre enterrèe. I voérrôs qu’ mes réchtes feuchïnt crâmès. - Mains, grant-mére, ç’ât bïn trichte de djâsaie de tai moûe en ci djoué d’ féte. Pe d’ tieusain, nôs v’lans t’organisaie ènne bèlle cérémonie â môtie, ènne tote bèlle mâsse tchaintèe, po toi que feus chi longtemps d’ lai Sïnte-Cécile. Èt peus, tes rèchtes, s’lon tai v’lantè, s’ront réduts en ceindres èt dépôjès â cèm’tére chu ton hanne. Ç’ât tot ? T’ n’és p’ïn âtre entçhvâ ? - Nian. I aî t’aivu ènne bèlle vétyaince. I aî fait des bés viaidges. I n’ vois pe ç’ qu’i poérrôs choitaie d’ pus. I n’aî fâte de ran. Rapha, ïn âtre de ses riere-petèts-l’afaints, bote sai musitye rock chu fond d’ baitt’rie. Ç’ât che foûe qu’ lai cent’naire chursâte. - Nôs voérrïns taint d’ faire ïn piaiji, yi breûye Louyije dains l’aroiye. - Ah bon ! Dis en ton frére de râtaie sai sacrèe musique, qu’i n’ peus meinme pus t’oûyie. Note lai mïnmïn, l’aïeule ---- Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis

Dernières volontés

Toute la famille est réunie pour fêter les cent ans de l’aïeule. Elle est encore en forme, et surtout elle a toute sa tête. Bon pied, bon œil. Ajoutons bonnes oreilles aussi. Louise, une de ses arrière-petites-filles, lui demande : - Mamie, qu’est-ce que tu souhaites pour la suite ? - Eh bien, je ne tiens pas à être enterrée. Je voudrais être incinérée. - Mais, Mamie, c’est bien triste de parler de ta mort en ce jour de fête. Pas de souci, nous t’organiserons une belle cérémonie à l’église, une très belle messe chantée, pour toi qui as été si longtemps de la Sainte-Cécile. Et puis, tes restes, selon ta volonté, seront incinérés et déposés au cimetière sur la tombe de ton mari. C’est tout ? Tu n’as pas d’autre désir ? - Non. J’ai eu une belle vie. J’ai fait de beaux voyages. Je ne vois pas ce que je pourrais souhaiter de plus. Je n’ai besoin de rien. Raphaël, un autre de ses arrière-petits-enfants, met sa musique rock sur fond de batterie. C’est si bruyant que l’aïeule sursaute. Louise lui hurle dans l’oreille : - Nous voudrions tellement te faire encore un plaisir. - Ah bon ! Dis à ton frère d’arrêter cette sacrée musique. Je ne t’entends même plus.