Publié : 12 mars 2021

Il n’est pas parti bien loin

È n’ât p’ paitchi bïn loin

Bernard Chapuis, Eric Ankli

Publié dans le Quotidien Jurassien le 12 mars 2021

È n’ât p’ paitchi bïn loin

Source : Eric Ankli, Grandfontaine Èls étïnt trâs boûebes en lai mâjon qu’aivïnt bïn lai trentainne. Piepe yun n’était mairiè. D’aivô l’ pére, çoli f’sait quaitre hannes dôs l’ meinme toit. Çoli bèyait des côps bïn tendu. Ès s’endyeulïnt tos les djoués. Ïn dûemoène è médi qu’ès s’étïnt dichputès pus qu’ d’aivéje, qu’ès s’étïnt quasi triquès, Djosèt, le pus djûene, se yeuve de tâle èt dit : « I n’ demoére pe ènne minute de pus poi ci. Dains çte faimille, an n’ râte pe de fôtrayie èt d’ se tchaimâyie. I m’en vais. » È monte dains sai tchaimbre, prend son hâbresait, y fore dous tchemijes, dous caleçons, dous paires de tchâssattes, sai boéche. En travoéchaint lai tieujènne, è breûye : « Vôs n’étes pe prâts de me r’voûere ! » È prend lai poûetche sains se r’touénaie. D’vaint l’ cabairèt, èt s’râte èt muse : « I veus tot d’ meinme boire ïn voirre d’vaint que de porcheudre. » Èl entre, è commainde ïn tchâvé. En ènne tâle, è y aivait trâs de ses coégnéchainces. « Vïns pie voi nôs, Djosèt ! È quaitre, nôs poérrons faire ïn chteuque. » Èls aint chteuquè djuqu’â soi èt déchendu pus d’ènne botaye. Tot poi ïn bé côp, not’ Djosèt raivoéte lai grante eurleudge â murat : èl était dj’ les sept di soi. È paie sai touénèe, prend son sait èt pait. Â d’vaint l’heus, è f’sait neût. Ç’ n’était dyère le môment de vaidèyie. Tot capot, mon Djosèt rentre en l’hôtâ. Le pére, qu’était en lai f’nétre, yi dit po l’airgeusss’naie : « T’és r’veni ? Not’ tchïn t’é r’coégnu, è n’é ran dit. » Note vaidèyie, partir à l’aventure ---- Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis

Il n’est pas parti bien loin

Source : Eric Ankli, Grandfontaine À la maison, ils étaient trois garçons dans la trentaine. Aucun n’était marié. Avec le père, cela faisait quatre hommes sous le même toit. Cela donnait souvent lieu à des conflits. Ils se disputaient chaque jour. Un dimanche à midi, alors qu’ils s’étaient chamaillés plus que d’habitude, qu’ils en étaient quasiment venus aux mains, Joseph, le cadet, quitte la table en disant : « Je ne reste pas une minute de plus ici. Dans cette famille, on n’ arrête pas de se quereller et de chercher noise. Je m’en vais. » Il monte dans sa chambre, prend son sac à dos, y fourre deux chemises, deux caleçons, deux paires de chaussettes, sa bourse. « Vous n’êtes pas prêts de me revoir ! » crie-t-il en traversant la cuisine. Il franchit la porte sans se retourner. Il s’arrête devant l’auberge et se dit : « Je veux quand même boire un verre avant de continuer la route. » Il entre et commande une chopine. À la table voisine, il y avait trois de ses connaissances. « Viens donc près de nous, Joseph. À quatre, nous pourrons faire une partie de cartes. » Ils ont joué aux cartes jusqu’au soir et descendu plus d’une bouteille. Quand enfin Joseph jette un coup d’œil sur la grande horloge, il est déjà sept heures du soir. Il paye sa tournée, prend son sac et part. Dehors, il faisait nuit. Ce n’était guère le moment de courir l’aventure. Honteux et confus, Joseph rentre à la maison. Le père, qui était à la fenêtre, lui dit pour le provoquer : « Tu es revenu ? Notre chien t’a reconnu, il n’a rien dit. »