Publié : 23 octobre 2020

Permis de conduire

Pèrmis d’ condure

Bernard Chapuis

Publié dans le Quotidien Jurassien le 23 octobre 2020

Pèrmis d’ condure

È yi é faiyu brâment di temps â graindgie de Chu-les-Alétres po aidmâtre qu’ènne dyïmbarde yôs rendrait sèrvice, predjus c’ment qu’ès sont chu yote montaigne. Èl é fini poi l’aitch’taie, çte dyïmbarde, èl é-t-aivu aivu bïn di mâ d’ péssaie l’ pèrmis, mains â trâjieme côp, èl l’é décreutchi. O crais bïn èls yi aint bèyi poi tchairité. Chu-les-Alétres, ès vétyant encoé cment dains l’ temps. Tchéque djoué se r’sanne. Travaiye, r’cegnons, èt le soi, prayiere en faimille, yéjure de lai Bibye. Ès n’aint pe de laivimaidge. Èls aint dieche afaints. Le pus p’tèt ât encoé dains son bré. Le pus grôs ât paitchi soudait. Èl ât r’veni d’aivô des musattes que ne piaijant p’ â véye. Entre les dous, ç’ât lai dyiere. Le bouebe veut vivre cment les djuenes de son aidge. È y é faiyu brâment di temps â graindgie de Chu-les-Alétres po aidmâtre que çoli rendrait sèrvice en tote lai rotte, se yote gros bouebe l’aivait âchi ci pèrmis, predjus c’ment qu’ès sont chu yote montaigne. Èl l’é-t-aivu di premie côp. Mit’naint, è voérrait en profitaie, déchendre dans l’ vâ, retrovaie des bouebes èt des baîchattes, boire ïn voirre, çoli n’ fait p’ de mâ. Le pére réjichte. En lai fïn : - Bon, qu’è dit, i t’ prâte lai dyïmbarde, s’ te t’ copes çte tchouppe. T’ n’ és âtiun dgèt d’aivô ces longs pois. - Mains Pére, dains tai Bibye, le Chrichte èt ses aipôtres, èls aivïnt tus des longs pois. - Ô, mains yôs, ès s’ dépiaicïnt è pie. ---- Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis

Permis de conduire

Il lui a fallu beaucoup de temps au métayer de Sur-les-Crêtes pour admettre qu’une voiture leur rendrait service, perdus comme ils sont sur leur montagne. Il a fini par l’acheter, cette voiture. Il a eu bien du mal à passer le permis, mais la troisième fois, il l’a obtenu. Ou peut-être le lui a-t-on donné par charité. Sur les Crêtes, ils vivent encore comme autrefois. Chaque jour se ressemble. Travail, repas, et le soir, prière en famille, lecture de la Bible. Ils n’ont pas de télévision. La famille compte dix enfants. Le plus petit est encore au berceau. L’aîné est parti faire son école de recrue. Il en est revenu avec des idées qui ne plaisent pas au patriarche. Entre les deux, c’est la guerre. Le fils veut vivre comme les jeunes de son âge. Il lui a fallu beaucoup de temps au métayer de Sur-les-Crêtes pour admettre que cela rendrait service à toute la bande, si le grand fils avait lui aussi le permis, perdus comme ils sont sur leur montagne. Il l’a obtenu du premier coup. Maintenant, il voudrait en profiter, descendre dans la vallée, retrouver des garçons et des filles, boire un verre, ça ne fait pas de mal. Le père résiste. - Bon, dit-il, je te prête la voiture si tu te coupes les cheveux. Tu n’as aucune façon avec cette tignasse. - Mais Père, dans ta Bible, le Christ et ses apôtres avaient tous les cheveux longs. - Oui, mais eux, ils se déplaçaient à pied.