Publié : 3 avril 2020

Interdiction

Ïntredicchion

Jean-Marie Moine, Arc Hebdo mars 2020

Ïntredicchion

Vôs èz chur’ment yét, c’ment moi, dains ènne feuye di Jura, qu’ an n’ saivait p’ ch’ è fayait ïntredire és afaints d’ aivoi yôte ailuèsïn (smartphone) en l’ écôle obïn ch’ è fayait les ayeûtchie de tâ soûetche qu’ ès se n’ sèrvéchennent pus d’ ci diaîdgèt di moudranne temps. Ci Georges Duhamel é dit ïn djoué : « Ciratte, tot ç’ que n’ ât p’ ïntredit ât obyigâtou ». Dâs 1968, nôte sochietè n’ veut pus ran aivoi è faire daivô les obyigâchions (les fouéch’fôs d’ faire âtçhe) pe daivô les ïntredicchions (les empâtch’ments d’ faire âtçhe) … ! Ât-ç’ qu’ an n’ ont p’ ôyi ci Cohn-Bendit, ci frainco-allmoûess polititçhe l’ hanne, dire en ci temps-li qu’ èl était ïntredit d’ ïntredire ? Dâli, è n’ demoére pe brâment d’ piaice po manôvraie, po trovaie ènne choyuchion po ces poûeres jurassiens l’ écôlies. C’ment qu’i seus è pô prés chur qu’ les ailuèsïns des éyeuves sont quâsi tus diff’reints, po réchpèctaie lai chtricte égâyitè des tchain-ces des afaints, i crais qu’ le meu, ç’ ât d’ ïntredire ces ailuèsïns. Tiaind qu’ i pésse vés ènne écôle de p’téts l’ éyeuves de Lai Tchâ-d’ Fonds, pe qu’ ès sont â quât d’ houre, i m’ airrâte po voûere ïn pô ç’ que faint ces afaints. Lai pupaît d’ entre yôs d’moérant tot d’ pai yôs dains yôte câre, pe taip’tant daivô yôs doigts chus yôte nïm’rique tâbiatte di temps qu’ les âtres se ritant aiprés po épreuvaie d’aittraipaie ènne pilôme qu’ ès s’ tchaimpant. Ch’ i d’mainde en yun d’ ces que taip’te chus son ailuèsïn ç’ qu’ è fait obïn ç’ qu’ è r’tçhie, è m’ réchpond quâsi aidé « qu’ è n’ sait p’ ! » Paifois, des éyeuves oûergannijant des courches d’ échtraigats ! Çoli m’ fait è musaie â temps laivoù qu’ nôs péssins nôs condgies tchie les pairents d’ mai fanne, dains l’ Médi d’ lai Fraince. Ch’ le piey’rron d’ lai mâjon, nôs afaints graiy’nïnt des pairâl-lèyes baindes que daivïnt cheûdre les échtraigats po diaingnie lai courche. Mâlhèyrouj’ment ces baivoujes p’tétes bétes ne râtïnt p’ d’ se croûegie, d’ pâre des pichtes qu’ n’ étïnt p’ les yôtes … Pe moiyïn d’ yôs ïntredire de mâçhaie yôs tch’mïns. Hèyrouj’ment qu’ èls aivïnt ïn nïmrô graiy’nè ch’ yôte côcrèye. Dïnche, an saivait aidé qué l’ échtraigat aivait diaingnie lai courche ! È n’ y é p’ d’ éducâchion sains ïntredicchion pe sains obyigâchion. Dâli, n’ vôs engraingnètes pe tiaind qu’ an n’ vôs léche pe djâsaie d’ ïn ïntredit chudjèt qu’ vôs ïntèrrèche obïn ch’ an vôs obyidge de faire âtçhe que n’ convïnt p’ trop en vôs gôts. Vôs vlèz ébâbi vôte entouéraidge poi vôte réchpèt d’ ces dous piyies di saivoi-vivre. J.-M. Moine

Interdiction

Vous avez sûrement lu, comme moi, dans un journal du Jura, qu’on ne savait pas s’il fallait interdire aux enfants d’avoir un smartphone à l’école ou bien s’il fallait les éduquer de telle sorte qu’ils ne se servent plus de ce gadget des temps modernes. Georges Duhamel a dit un jour : « Ici, tout ce qui n’est pas interdit est obligatoire ». Depuis 1968, notre société ne veut plus rien avoir à faire avec les obligations (les contraintes de faire quelque chose) ni avec les interdictions (les empêchements de faire quelque chose)… ! N’a-t-on pas entendu Cohn-Bendit, cet homme politique franco-allemand, dire en ce temps-là qu’il était interdit d’interdi-re ? Alors, il ne reste pas beaucoup de place pour manœuvrer, pour trouver une solution pour ces pauvres écoliers jurassiens. Comme je suis presque certain que les smartphones des élèves sont presque tous différents, pour respecter la stricte égalité des chances des enfants, je crois que le mieux, c’est d’interdire ces smartphones. Quand je passe vers une école de petits élèves de La Chaux-de-Fonds, et qu’ils sont à la récréation, je m’arrête un peu pour voir ce que font ces enfants. La plupart d’entre eux restent seuls dans leur coin et tapotent avec leurs doigts sur leur tablette numérique pendant que les autres se poursuivent pour essayer d’attra-per une balle qu’ils se lancent. Si je demande à l’un de ceux qui tapote sur son smartphone ce qu’il fait ou bien ce qu’il recherche, il me répond presque toujours « qu’il ne sait pas ! » Parfois, des élèves organisent des courses d’escargots ! Cela me fait penser au temps où nous passions nos vacances chez les parents de ma femme, dans le Midi de la France. Sur le perron de la maison, nos enfants dessinaient des bandes parallèles que devaient suivre les escargots pour gagner la course. Malheureusement ces petites bêtes baveuses ne cessaient de se croiser, de prendre des pistes qui n’étaient pas les leurs… Pas moyen de leur interdire de mêler leurs chemins Heureusement qu’ils avaient un numéro écrit sur leur coquille. Ainsi on savait toujours quel escargot avait gagné la course ! Il n’y a pas d’éducation sans interdiction et sans obligation, Alors, ne vous fâchez pas quand on vous interdit de parler d’un sujet interdit qui vus intéresse, ou si l’on vous oblige de faire quelque chose qui ne convient pas à vos goûts. Vous étonnerez votre entourage par votre respect de ces deux piliers du savoir-vivre. J.-M. Moine