Publié : 21 février 2020

Le remède du saint ermite

Le r’méde di sïnt èrmitre

Bernard Chapuis

Publié dans le Quotidien Jurassien le 21 février 2020

Le r’méde di sïnt èrmitre

Dains l’ Bôs d’ Rôbe, è dous pas de Dev’lie, vétyait ïn sïnt èrmitre. È maindgeait ç’ qu’è trovait d’aiprés lai séjon, des moûres, des mouchirons, des noujèlles, des faînes, des aiméres, Po aipaijie sai soi, l’âve çhiaire d’ènne soûeche. Ses pus protches véjïns, c’était ïn coupye de tchairboénous. L’hanne n’aivait qu’ïn défât : è triquait sai fanne. Â djouè d’âdj’d’heû, lai fanne s’rait aivu â tribunâ, mains dains ci temps-li, les fannes schlaguèes n’ôjïnt s’ pyaindre, èlles suppoétchïnt èt pûerïnt. La tchairboénouse aivait des bieuves tot poitchot, ch’ les brais, ch’ les tieuches, èt meinme ènne grôsse beugne â cevré. Â bout d’ foûeche, çte poûere dgent s’en feut conchultaie le sïnt èrmitre. Çtu-ci yi bèyé ènne botoiye. « Vôs en parèz ènne goulèe d’vaint qu’ vote hanne ne r’venieuche èt peus vôs lai voidg’rèz dains lai boûetche sains l’aivailaie. Vôs m’èz bïn oûyi, taint qu’ vôs étes ensoénne, voidgèz ci litçhide dains lai boûetche ! » Ïn vrai miraîtçhe, l’hanne ne lai triquait pus. À bout d’ènnne snaine, èlle eurtouénné voûere l’èrmitre. -- Vôs en èz encoé de ci r’mède ? -- Vôs saites ç’ qu’è y aivait dains çte botoiye ? Ran qu’ de l’âve. Lai golèe que vôs voidgèz dains lai boûetche vôs empéche de djâsaie. Dïnche, vôs étes tyitte d’aidyeuy’naie vote hanne èt lu ne vôs trique pus. Ç’ât âchi sïmpye que çoli. Note aidyeuy’naie, provoquer ---- Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis

Le remède du saint ermite

Dans le Bois de Robe, à deux pas de Develier, vivait un saint ermite. Il mangeait ce qu’il trouvait selon la saison, des mûres, des champignons, des noisettes, des faînes, des framboises. Pour étancher sa soif, l’eau claire d’une source. Ses plus proches voisins, c’était un couple de charbonniers. L’homme n’avait qu’un défaut : il battait sa femme. A notre époque, la femme l’aurait traîné devant les tribunaux mais dans ce temps-là, les femmes battues n’osaient pas se plaindre. Elles encaissaient et pleuraient. La charbonnière était couverte de bleus. Elle en avait sur les bras, sur les cuisses, et une grosse bosse sur le crâne. A bout de force, la malheureuse s’en fut consulter le saint ermite. Celui-ci lui remit un flacon. « Vous en prendrez une gorgée avant que votre homme ne revienne et vous la garderez dans la bouche sans l’avaler. Vous m’avez bien compris, aussi longtemps que vous êtes ensemble, gardez ce liquide dans la bouche. » Un vrai miracle, l’homme ne la battait plus. Au bout d’une semaine, elle retourne à l’ermitage. -- Vous en avez encore de ce remède ? -- Savez-vous ce qu’il y avait dans ce flacon ? Rien que de l’eau. La gorgée que vous gardez dans la bouche vous empêche de parler. Ainsi, vous êtes quitte de provoquer votre mari et lui ne vous bat plus. C’est aussi simple que que ça,