Publié : 8 novembre 2019

Au bureau de vote

 bureau d’ vôte

Bernard Chapuis

Publié dans le Quotidien Jurassien le 8 novembre 2019

 bureau d’ vôte

An d’vait r’nanmaie ïn nové maire. - Çoli veut bèyie tendu. È fât cheurvoiyie les nôtres. Ç’ât ç’que dyait le mairtchâ â sellie, dous vi-roudges enraidgis. Ès s’ sont airrandgis po étre di bureau de vôte. Les Roudges èt les Nois s’ tenyïnt è ènne voix près. Les Roudges qu’aivïnt aidé t’ni lai mairie n’étïnt p’ chûrs de l’empoétchaie. Trente-sept contre trente-chés. Se les Roudges v’lïnt piaciie yote candidat, è faiyait que tus se dépiaiceuchïnt, cés qu’aivïnt yote câtche èt yos aimis, les djûenes c’ment les véyes, èt meinme cés d’ lai mâjon d’véyes qu’aivïnt encoè yos paipies dains lai tyemeune. Ç’ât tot djeute s’ès ne v’lïnt pe faire è vôtaie les moûes. Le sèllie èt l’ mairtchâ se sont airrandgis po étre di bureau d’vôte. Le sèllie boté trente-sept petèts çhiôs d’ sèllie dains sai baigatte de drète. È tchéque vote roudge, è péssait ïn çhiô de drète è gâtche. En lai fïn de l’opération, le mairtchâ demainde en son caim’rade de paitchi : - Ès sont tus v’nis ? - Ô, ès sont tus v’nis. I les aî comptès. - Meinme le véye d’ lai Cond’mène que n’ peut pus martchi ? - Meinme lu. Ès l’aint poétchè. - Adonc, c’ment qu’ çoli s’ fait qu’è me d’moère dous çhiôs ? d’mainde le sèllie que n’y comprend pus ran. - Begnats qu’ nôs sons, dit l’ mairtchâ. Ces dous çhiôs, ç’ât nôs dous. ---- Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis

Au bureau de vote

Il s’agissait d’élire un nouveau maire. - La lutte sera tendue. Il faut surveiller nos gens. C’est ce que disait le maréchal au sellier, deux libéraux très engagés. Les Rouges et les Noirs se tenaient à une voix près. Les Rouges qui avaient toujours tenu la mairie n’étaient pas sûrs de l’emporter. Trente-sept contre trente-six. Si les Rouges voulaient placer leur candidat, il fallait qu’ils se déplacent tous, membres inscrits et sympathisants, les jeunes comme les vieux, et même ceux de l’hospice qui avaient encore leurs papiers dans la commune. C’est tout juste s’ils n’allaient pas faire voter les morts. Le sellier et le maréchal se sont arrangés pour être du bureau de vote. Le sellier mit trente-sept petits clous de tapissier dans sa poche de droite. A chaque vote rouge, il passait un clou de la poche de droite à celle de gauche. A la fin de l’opération, le maréchal demande à son camarade de parti : - Ils sont tous venus ? - Oui, ils sont tous venus. Je les ai comptés. - Même le vieux de la Condemène qui ne peut plus marcher ? - Même lui. Ils l’ont porté. - Alors, comment se fait-il qu’il me reste deux clous ? s’interroge le sellier déconcerté. - Abrutis que nous sommes, dit le maréchal. Ces deux clous, c’est nous deux.