Publié : 21 mars 2019

Charmoille

Tchairmoiye

Jean-Marie Moine, Arc Hebdo mars 2019

Tchairmoiye

Vôs saîtes que d’aivége, i m’pèrmâs de cmeintaie en patois des nanvèlles qu’ïntèrèchant chutôt les Jurassiens. Àdjd’heû ces nanvèlles ne mainquant p’, mains vôs saîtes, qu’yun d’ces graints l’ hanne qu’ i aî rébiè l’ nom, pretendait qu’ dire lai vartè en é moinnè pus d’yun en l’ étchaifâd. Hèy’rouj’ment qu’âdjd’heû, an n’voit pus d’étchaifâds tchie nôs. Dâli i n’aî p’ pavou d’ci tchâtoit. Poré, i seus chur âchi, qu’vôs èz ôyi nôs véyes dgens aiffirmaie qu’lai vartè n’ât p’ aidé boinne è dire ! Dâli, meu vât s’coidgie que d’biassie quéqu’un en diaint des vartès, obïn pus chïmpyement, que d’s’ échquepojaie lierlainn’ment en lai cein-chure. Poi qu’cheûyeint, i pésse è âtre tchôje. C’ment qu’brâment d’aimoéreus di patois, i seus aivu è Tchairmoiye, yun d’ces d’ries dûemoinnes, po voûere les aidjolâts patoisaints djûere ènne piece chus les lavons. Ces aidjolâts l’aictous aint aippoétchè di piaîji en tus ces qu’s’ étïnt dépiaicie po les voûere déraimaie dains ènne sïmpye mains tote bèlle piece de théâtre. È ôyi les chpèctâtçhous s’écâçhaie d’rire, nôs s’sons r’trovè dains ç’te che bèlle aimbiainche, qu’ainmant taint les patoisaints. Po moi, en pus d’çoli, me r’trovaie è Tchair-moiye eur’vétait ïn pairtitiulie l’aigrun. Eurvoûere lai véye écôle, ci véye tâbyau chus quèbre, m’é raimoinnè soichante ans en d’rie, tiaind qu’i f’sôs mon uy’time chtaidge d’vaint de dev’ni régent. I me r’vois airrivaie daivô mon vélo, ci dûemoinne lai vâprèe, en lai croûegie des vies po Fredgiecouét pe po Miecoét. Ïn pô en tieûsain, i allôs r’cidre les ïnchtrucchions po ci chtaidge, tchie l’raicodjaire de Tchairmoiye. Po l’premie côp, i v’lôs me r’trovaie tot d’pai moi, d’vaint des djûenes écôlies. En moi de botaie chus pie l’traivaiye des éyeuves, d’yôs aippâre diff’reints éy’ments di saivoi, d’ répondre en yôs quèchtions,d’ aipparayie yôs d’vois, d’ défâtaie ces d’vois, d’ churvoiyie lai boinne maîrtche d’ lai çhaiche, è ç’ que cheût [etc.]. Mon maître de chtaidge, ci M’ssieu Simonin d’moérait sietè tot â fond d’lai çhaiche, pe prégimait chychtèmâtiqu’ment tot ç’ que s’péssait. Lai djouénèe d’traivaiye se finéchait poi ènne chévére mais djeûte crechtique de mai faiçon d’faire. I r’mèchie ci M’ssieu Simonin po ses consâyes qu’m’ aint sèrvi dains tote mai cairriere d’ensoingnaint. J-M. Moine

Charmoille

Vous savez que d’habitude, je me permets de commenter en patois des nouvelles qui intéres-sent surtout les Jurassiens. Aujourd’hui ces nouvelles ne manquent pas, mais vous savez qu’un de ces grands hommes, dont j’ai oublié le nom, prétendait que dire la vérité en a conduit plus d’un à l’échafaud. Heureusement qu’aujourd’hui, on ne voit plus d’échafauds chez nous. Donc, je n’ai pas peur de ce châtiment. Cependant, je suis sûr aussi, que vous avez entendu nos vieilles gens affirmer que la vérité n’est pas toujours bonne à dire ! Alors, mieux vaut se taire que de blesser quelqu’un en disant des vérités, ou plus simplement, que de s’exposer naïvement à la censure. Par conséquent, je passe à autre chose. Comme beaucoup d’amoureux du patois, j’ai été à Charmoille, l’un de ces derniers dimanches, pour voir les patoisants ajoulots jouer une pièce de théâtre. Ces acteurs ajoulots ont apporté du plaisir à tous ceux qui s’étaient déplacés pour les voir jouer une simple mais très belle pièce de théâtre. À entendre les spectateurs éclater de rire, nous nous sommes retrouvés dans cette belle am-biance qu’aiment tant les patoisants. Pour moi, en plus de cela, me retrouver à Charmoille revêtait un caractère particulier. Revoir la vieille école, ce vieux tableau sur chevalet, m’a ramené soixante ans en arrière, quand j’effectuais mon ultime stage avant de devenir instituteur. Je me revois arriver avec mon vélo, ce dimanche après-midi, à la croisée des routes pour Fregiécourt et pour Miécourt. Un peu en souci, j’allais recevoir les instructions pour ce stage, chez l’instituteur de Charmoille. Pour la première fois, j’allais me retrouver seul devant des jeunes écoliers. À moi de mettre sur pied le travail des élèves, de leur apprendre différents éléments du savoir, de répondre à leurs questions, de préparer leurs devoirs, de corriger ces devoirs, de surveiller la bonne marche de la classe, etc. Mon maître de stage, Monsieur Simonin restait assis au fond de la classe, et observait systématiquement tout ce qui se passait. La journée se terminait par une sévère mais juste critique de ma façon de faire. Je remercie Monsieur Simonin pour ses conseils qui m’ont servi dans toute ma carrière d’enseignant. J.-M. Moine