Publié : 22 février 2019

Une vieille beauté

Ènne véye biâtè

Bernard Chapuis

Publié dans le Quotidien Jurassien le 22 février 2018

Ènne véye biâtè

L’Ad’line feut bèlle. Tos les hannes yi f’sïnt lai couè. Mains les ans aint pésssè. Po lée âchi. Èlle n’ât pus de premiere djuenaince èt n’ veut p’ l’aidmâtre. Èlle veut aidé pyaire. Èlle veut aidé sédure. Èlle se pampanne, èlle se poudre. Sès biancs pois, èlle se les fait nois. Èlle se vêt c’ment les djûenes de mit’naint. Èlle sarre ses pies dains des soulaies trop p’tèts po lée èt seûffre ïn calvaire. Èlle poétche ïn cotch’lèt qu’yi fait mâ. Qu’ât-ce qu’ vôs v’lèz, è fât seûffri po étre bèlle. An féte le trentieme di Jura. Le minichtre fait ïn tot bé dichcoué. Â bainquèt, l’Ad’line s’ât chiquèe po étre en faice de lu. Le minichtre sait djâsaie és fannes. Èn pus, è lai coégnât, çt’ Ad’line,. Po yi faire piaiji, è n’ râte pe d’yi faire des compyiments. « Yè l’ bondjouè, çt’ Ad’line. Çoli vait ? I aî aidé di paiji d’ vôs voûere. Vôs s’étes faite tote bèlle po ci grant djoué. » L’Ad’line ât és aindges. Le bonhèye se yét dains ses eûyes. Di côp, èlle se sent encoé pus djûene. -- Cobïn d’annèes vôs m’ bèyietes, chire Minichtre ? -- Poquoi qu’i vôs en bèy’rôs, mai bèlle Daime ? Vôs n’en èz pe prou dïnche ? ---- Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis

Une vieille beauté

Adeline fut belle. Tous les hommes la courtisaient. Mais les ans ont passsè. Pour elle aussi. Elle n’est plus de première jeunesse et refuse de l’admettre. Elle veut toujours plaire. Elle veut toujours séduire. Elle se pomponne, elle se poudre. Ses cheveux blancs, elle les teint en noir. Elle s’habille comme les jeunes d’aujourd’hui. Elle enserre ses pieds dans des chaussures trop étroites et souffre le martyre. Le corset qu’elle porte la blesse. Que voulez-vous, il faut souffrir pour être belle. ’ On fête le trentième anniversaire du Jura. Le ministre fait un magnifique discours. Au banquet, Adeline s’est arrangée pour se placer en face de lui. Le ministre sait parler aux femmes. En outre, il connaît Adeline. Pour lui faire plaisir, il ne tarit pas de compliments.« Hé, bonjour, Adeline. Ça va ? J’ai toujours plaisir de vous voir. Vous vous êtes faite toute belle pour ce grand jour. » Adeline est aux anges. Le bonheur se lit dans ses yeux. Du coup, elle se sent encore plus jeune. -- Combien d’années me donnez-vous, Monsieur leMinistre ? -- Pourquoi vous en donnerais-je, ma belle Dame ? N’en avez-vous pas assez comme ça ?