Publié : 28 septembre 2018

Sainte Nitouche

Sïnte dgenâtche

Bernard Chapuis

Publié dans le Quotidien Jurassien le 28 septembre 2018

Sïnte dgenâtche

Ci Thomas ne l’aivait p’ mairièe po sai biâtè. Èlle était peute cment ïn bianc-pouye. Ne po ses sôs. Èlle était encoé pus poûere que lu èt n’aivait p’ d’hèrtaince en vue. Ès n’étïnt p’ non pus oblidgies d’ se mairiaie, cment qu’an dyait tyaind qu’ïn hanne engrôchait ènne baîchatte. L’hanne était renfromè. Réchâle euvrie, è saivait s’ pyaiyie èt s’ coidgie. « I seus dj’ bïn content d’aivoi di traivaiye. » Réchâle mairi, èl était cheûmis en sai Rosine, ènne bédyine dgenâtche, ènne rainne d’abnètie, que trompait son monde d’aivô ses simagrèes. Ci Thomas que tchaintait cment ènne tyaisse è daivu mâgrè lu entraie d’ lai Sïnte-Cécile. D’vaint la nonne, è faiyait prayie drassie. Le soi, ès prayïnt l’ tchaip’lat è dgenonnyes. Lai Rosine aidjoutait ïn ave maria po qu’ son hanne d’moéreuche chu l’ bon tchemïn. Èlle vérifiait sai fiche de paiye. Les raires côps qu’èlle I’envyait és commissions, èlle contrôlait sai boéche è son r’toué. « Te t’és encoé aitch’tè des cigairettes ! » È v’nyait roudge cment ïn nitiou pris en fâte. « Vide tes baigattes ! » Èlle botait sous çhiè les cigairettes. È tâle, è poéyait boire son voirre de vïn, mains pe pus. Tchie les âtres aich’ bïn. « N’yi en voichèz pus, Djulia. Èl en é dj’ prou aivu. » Mit’naint qu’ lai Rosine n’ât pus, le Thomas, bïn drèt, fait sai prayiere d’vaint le r’cegnon, boit son voirre de vïn èt s’en voiche ïn doûejieme en trembyaint. Note Réchâle euvrie, ouvrier docile ---- Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis

Sainte Nitouche

Thomas ne l’avait pas épousée pour sa beauté ; elle était laide comme un pou blanc. Ni pour ses sous ; elle était encore plus pauvre que lui et n’avait pas d’héritage en perspective. Ils n’étaient pas non plus obligés de se marier, comme on disait lorsqu’un homme avait mis enceinte une jeune fille. Thomas était renfermé. Ouvrier docile, il savait se plier et se taire. « Je suis déjà bien content d’avoir du travail. » Mari docile, il était soumis à sa Rosine, une mégère bigote, une grenouille de bénitier, qui trompait son monde avec ses momeries. Thomas, qui chantait comme une casserole, dut bien malgré lui entrer de la Sainte-Cécile. Avant le repas, il fallait prier debout. Le soir, ils priaient le chapelet à genoux. Rosine ajoutait un avé maria pour que son homme reste dans le droit chemin. Elle vérifiait sa fiche de paye. Les rares fois qu’elle l’envoyait en commissions, elle contrôlait sa bourse à son retour. « Tu t’es encore acheté des cigarettes ! » Il rougissait comme un gamin pris en faute. « Vide tes poches ! » Elle mettait sous clé les cigarettes. A table, il pouvait boire son verre de vin, mais pas plus. Chez les autres également. « Ne lui en versez plus, Julia. Il a assez bu. » Maintenant que Rosine n’est plus, Thomas, bien droit, fait sa prière avant les repas, boit son verre de vin et s’en verse un deuxième en tremblant. Note Réchâle euvrie, ouvrier docile