Publié : 4 décembre 2015

Le poison

Lo poûejon

Bernard Chapuis

Paru dans LQJ, le 4 décembre 2015

Lo poûejon

{Çt’ Eulalie s’ rend tchie l’aipotiçhaire. - Bondjoué, chire. I voérrôs di cyanure. - Qu’ât-ce qu’vôs dites ? Di cyanure ! Vôs r’bôlèz ou bïn ! Vôs n’y étes pus ! Vôs saites ç’ que ç’ât, lo cyanure ? Ç’ât ïn poûejon, dés pus daindgerous. Ènne pïncèe d’ cyanure dains ïn voirre d’âve seûffit po envie ïn hanne tot comptant â ceim’tére. I n’ai p’ le drèt d’ vôs vendre ci produt. Ç’ât contre lai loi. I piedrôs mai paitente, o pé encoé, i finirôs à Witzwil. Èt peus vôs è Hindelbank. Que çoli feuche bïn çhaie, i n’ peus p’ vôs vendre di cyanure. L’aipotiçhaire s’ raipaîje. - Mit’naint, dites-me voûere, mai boènne daime, ço qu’ vôs vlïns en faire de ci cyanure. - Ç’ât po tyuaie mon hanne. -Réjon d’ pus. I n’ veus p’ étre mâçhè dains ènne hichtoire de meutre. I n’ seus p’ ïn aissaissïn. Èt peus, poquoi vôs v’lèz l’ tyuaie vot’ hanne ?Qu’ât-ce qu’è vôs é fait ? Lai fanne çhôrit. Èlle euvre son sait, y prend ènne photo èt lai tend en l’aipotiçhaire. Çtu-ci lai r’vire dains tos les sens. È botte ses breliçhes, les rôte, les r’botte. È n’en crait p’ ses dous l’euyes. Ch’ lai photo, èl é r’coégnu sai fanne d’aivô l’hanne de çt’ Eulalie. - Écoutèz, Daime, po ci cyanure, rev’nites d’aivô ènne ordonnance. È y é moiyen d’ s’airraindgie.} ---- Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis

Le poison

Eulalie se rend chez le pharmacien. -- Bonjour, Monsieur. Je voudrais du cyanure. -- Qu’est-ce que vous dites ? Du cyanure ! Vous déraisonnez ou quoi ! Vous n’y êtes plus ! Vous savez ce que c’est, le cyanure ? C’est un poison, et des plus dangereux. Une pincée de cyanure dans un verre d’eau suffit pour envoyer un homme aussitôt au cimetière. Je n’ai pas le droit de vous vendre ce produit. C’est contraire à la loi. Je perdrais ma licence, ou, pire encore, je finirais à Witzwil. Et vous à Hindelbank. Que cela soit bien clair : je ne peux pas vous vendre du cyanure. Le pharmacien se calme. -- Maintenant, dites-moi donc, ma bonne dame, ce que vous vouliez en faire de ce cyanure. -- C’est pour tuer mon mari. -- Raison de plus. Je ne veux pas tremper dans une histoire de meurtre. Je ne suis pas un assassin. Et puis, pourquoi voulez-vous le tuer, votre mari ? Qu’est-ce qu’il vous a fait ? La femme sourit. Elle ouvre son sac, y prend une photo qu’elle tend au pharmacien. Celui-ci la tourne dans tous les sens. Il chausse ses lunettes, les enlève, les remet. Il n’en croit pas yeux. Sur la photo, il a reconnu sa femme avec le mari de la cliente. -- Écoutez, Madame, en ce qui concerne le cyanure, revenez avec une ordonnance. Il y a moyen de s’arranger. La chronique patoise du QJ en direct :