Publié : 12 octobre 2015

À vau-l’eau

È vâ-l’ âve

Jean-Marie Moine

Paru dans Arc Hebdo, octobre 2015

È vâ-l’ âve

È y é quéques djoués, nôte rotte d’aimis d’ ainchïns raicodjous d’ lai Nôrmâ l’ Écôle de Poérreintru s’ ât r’trovè po bïn chur eur’faire le monde, pe bïn maindgie. Tiaind qu’ vés lai fïn d’ lai nonne, nôs ains déchidè d’ maîrtçhaie ïn grôs côp dains dous l’ans [tus les régents d’ nôte çhaiche v’lant aivoi quaite côps vïngt ans !], lai fanne de yun d’entre nôs dié en ses aimies daivô brâment d’ humoé : « Mon Dûe, dains dous l’ ans…, è nôs fât prayie, tchétçhèn-ne, de n’ p’ étre oblidgie d’ boussaie ènne sèlle é quaitre rûes ! » Taindis qu’ i v’niôs vés l’ airrâte di tren, ïn ôvrie d’ lai laingne traivaiyait poi li. È r’vâlait, m’jurait tot en djâsaint daivô moi. È breut’nait contre le croûeye temps d’ lai d’riere annèe, contre lai sati de ç’t’an-nèe. L’ tabyau chus l’ qué qu’ an bote les doigts po c’maindaie ïn biat était en rotte. Maintre que l’ tren airrivait en dyairre, l’ ôvrie é djeûte encoé poéyu m’ dire qu’ âdjd’heû, tot péryû-néchait (tout périclitait). I trové ènne piaice dains ïn wagon qu’ était boérrè c’ment qu’ ïn ûe, d’afaints qu’ breûyïnt, qu’ moinnïnt ïn trayïn di diaîle. I m’seus d’maindè che l’ poceintaidge des illattrès l’ afaints était âchi éy’vè que ç’ qu’ an ont yé dains lai feuye. C’ment qu’ atiun des Menichtres d’ lai Raicodge n’ é déchpitè, çoli n’ dairait p’ étre trop fâ. Qué mâlhèye, nôte écôle péryûnât ! Âtre tchôse : vôs èz vu qu’ è Biene, des quasmedire (soi-disant) évoingnous aint môtrè yôte tiu dains lai vie, dôs le tçh’véche di moudranne art. È bïn, nôte sochietè péryûnât. Dire qu’ è n’ y é p’ grant, ïn hanne qu’aivait ïn prechaint naiturâ b’sain, aivait aivu ïn moncé d’ ennûs pochqu’ è s’ était coitchie drie lai grôsse rûe d’ ènne locomotive po bèyie l’ âve (uriner) ! Pus graîve : è y é ènne s’nainne, dous djûenes neûtchét’lous l’ afaints aivïnt fiy’mè yôs oûedg’ries chus les nïm’riques tâbiattes. Yun d’ces pus hâts biaincs dgilets d’ l’ é-côle de ci cainton n’ é ran saivu dire d’ âtre qu’ son tieûsain était d’ rétropaie (protéger) ces dous djûenes crevurattes. Pe les ceintainnes d’ âtres djûenes qu’ aint vu ces poûeries chus yôs nïm’riques tâbiattes, ât-ç’ que ç’ n’ ât p’ ces-li qu’ è fârait è tot prie aivritaie ? Nôs faimilles pe nôs autoritès péryunéchant ! Mains è y’ é encoé pé : ç’ ât l’ ïnmaîdge di p’tét coûe d’ ci migraint l’ afnat enrivattè (échoué) chus lai gréve. Tiaind ât-ç’ que l’ hann’lâtè veut r’trovaie son sné pe sai daingn’tè ? Djainqu’ li, i aî « grôsse mil vargangne » d’ étre ïn hanne… ! J-M. Moine

À vau-l’eau

Il y a quelques jours, notre groupe d’amis d’anciens instituteurs de l’Ecole normale de Porrentruy s’est retrouvé pour bien sûr refaire le monde, et bien manger. Lorsque, vers la fin du repas, nous avons décidé de marquer un grand coup dans deux ans [tous les instituteurs de notre classe auront quatre fois vingt ans], la femme de l’un d’entre nous dit à ses amies avec beaucoup d’humour : « Mon Dieu, dans deux ans…, il nous faut prier, chacune, de ne pas être obligée de pousser un fauteuil roulant ! » Alors que je venais vers la halte du train un ouvrier de la ligne travaillait par là. Il grattait, mesurait tout en discutant avec moi. Il rouspétait contre le mauvais temps de la dernière année, contre la sécheresse de cette année. Le tableau sur lequel on met les doigts pour commander un billet était en panne. Pendant que le train arrivait en gare, l’ouvrier a juste encore pu me dire qu’aujourd’hui, tout périclitait. Je trouvé une place dans un wagon qui était bourré comme un œuf, d’enfants qui criaient qui faisaient un boucan du diable. Je me suis demandé si le pourcentage des enfants illettrés était aussi élevé que ce qu’on avait pu lire dans les journaux. Comme aucun des Ministres de l’Education n’a contesté, cela ne devrait pas être trop faux. Quel malheur, notre école périclite ! Autre chose : vous avez vu qu’à Bienne, des soi-disant artistes ont montré leur cul dans la rue, sous le couvert de l’art moderne. Eh bien, notre société périclite. Dire qu’il n’y a pas longtemps, un homme qui avait un besoin naturel pressant, a eu un tas d’ennuis parce qu’il s’était caché derrière la grande roue d’une locomotive pour uriner ! Plus grave : il y a une semaine, deux jeunes enfants neuchâtelois avaient filmé leurs obscénités sur les tablettes numériques. L’un de ces plus hauts blancs gilets de l’école de ce canton n’a rien su dire d’autre, que son souci était de protéger ces deux petits vauriens. Et les centaines d’autres jeunes qui ont vu ces cochonneries sur leurs tablettes numériques, est-ce que ce n’est pas ceux-là qu’il faudrait à tout prix protéger ? Nos familles et nos autorités périclitent ! Mais il y a encore pire : c’est l’image du petit corps de cet enfant migrant échoué sur la grève. Quand l’humanité retrouvera-t-elle son bon sens et sa dignité ? Jusque là, j’ai « grosse mille honte » d’être un homme… ! J-M. Moine