Publié : 17 avril 2015

Les temps difficiles

Le tchier temps, Jean Christe, le Vadais

Bernard Chapuis

Paru dans LQJ du 17 avril 2015

Le tchier temps

un texte de Jean Christe (Le reveniaint, 1966) {C’était le tchier temps. I traivèyô tchi l’Isidore. Mairie èchebïn. Tiaint le véil é vu que nos s’faisïns les doux l’oeils, comme èl était mére di vlaidge, è m’é expédiaie en Amérique aipré m’aivoi bèyie quaitre cents francs de lai commune. C’était dïnche qu’è se faisïns èyure les pôres diailes dains ci temps de malheur. Qu’ât-ce qu’i vlô dire ? I n’aivô niun po me défendre. Mairie é djuerie de m’aittendre. Nos sons pairtis po Baile, peu po Dordrecht voé nos sons airrivaie le trente de juillet. E y é ïn Cattin de Saigneldgie qu’â meuri. Le traze de septembre nos sons montaie tchu les doue « Catherine ». Nos étïns 380 tchu un de ces bateaux. Nos sons airrivaie ai Rio de Djaneiro le nuef de décembre. Et enfïn le trô de fevrie nos étïns ai Macacou. Tchu note bateau, nos in èyu lai douleur de peudre bïn des dgens : le bouebe Nicol de Soulce, lai fanne à Djoset Joset de Cofaivre et son bouebe, un de nos tieuries le Pére Miserez de Dlémont, c’t’Henri Djoset Pic de tchu Frénois, un des bouebes Djoillerat de Rbévlie, le Boinay de Rossemâjon aivô doue de ses baichattes. Tchu térre, nos ains dèyu conduere à cemetérre le Jean-Baptiste Ory de Dlémont, è peu ènne prô de Baichco.} Notes Macacou, rivière et village du Brésil {pelletie}, pelletier ; il traite les peaux et en fait le commerce ---- Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis

Les temps difficiles

Littéralement « Le cher temps"un texte de Jean Christe extrait d’une pièce de théâtre, Le reveniaint, Le revenant, écrite en 1966 Les temps étaient durs. Je travaillais chez Isidore. Marie aussi. Quand le vieux a vu que nous nous faisions les yeux doux, comme il était maire du village, il m’a expédié en Amérique après m’aivoir donné quatre cents francs prélevés sur la caisse communale. C’était ainsi qu’on arrangeait les pauvres diables dans ce temps de malheur. Qu’est-ce que je pouvais dire ? Je n’avais personne pour me défendre. Marie a juré de m’attendre. Nous sommes partis pour Bâle, puis pour Dordrecht où nous sommes arrivés le trente juillet. Un Cattin de Saignelégier est mort. Le treize septembre, nous sommes montés sur les deux « Catherine ». Nous étions 380 sur chacun de ces bateaux. Nous sommes arrivés à Rio de Janeiro le neuf décembre. Et enfin, le trois février, nous étions à Macacou. Sur notre bateau, nous avons eu la douleur de perdre bien des personnes : le fils Nicol de Soulce, la femme de Joseph Joset de Courfaivre et son fils, un de nos curés, le Père Miserez de Delémont, Henri-Joseph Pic de Sur Frénois, un des fils Juillerat de Rebévelier, un Boinay de Rossemaison avec deux de ses filles. Sur terre, nous avons dû conduire au cimetière Jean-Baptiste Ory de Delémont, puis tout un groupe de Bassecourt. ---- La chronique patoise du QJ en direct :