Paru dans
LQJ du 20 février 2015
Ènne bédyine tchie les pètlous
{Èlle s’aippele Echpérance, ïn bé nom po ènne dgen qu’é lai fé aidgéchainne, que vait tos les djoués en lai p’tète mâsse, que praititçhe lai tchairtè taint qu’èlle peut.
L’Echpérance qu’i vôs djâse n’ât pus de premiere djûenaince. Èlle é éy’vè cintçhe afaints qu’aint tus bïn réussi dains lai vie. Lai driere ât mairièe â Pairis. Sai mére vait lai voûere bïn s’vent. Ç’ât dev’ni aijie mit’naint d’aivô le
TGV. Èlle pésse quéques djoués dains lai caipitale èt eurvïnt tote hèyrouse dains son coénat.
D’vaint l’môtie St-Eustache, ïn pètlou ât sietè ch’ lés égraies, d’vaint lu, ïn gobelèt, èt peus ïn cairton : «
I aî faim.
» Echpérance é bon tiûere. Mains voili, èl é dj’ fri les dieche, en pus, sai boéche ât tot â fond d’ son sai. «
Vôs m’estiuj’rèz, mon poûere hanne, i seus dj’ en r’taîd po lai mâsse. Mains i veus prayie po vôs.
»
Di temps d’ l’office, que duere quasi ènne hoûere, èlle ne râte pe d’musaie en son pètlou. «
I n’airôs p’daivu, ç’n’ât p’ chrétien. S’i l’eurtrove, i veus yi bèyie âtçhe.
»
Tiaind qu’èlle soûe di môtie, è n’ât pus li. En sai piaice, è y é ïn maintchat chus ènne crattouse tçhevétche. Èlle yi tend ïn gros biat :
- Tenis, mon braive. Tiaind an é predju les dous brais, è n’y é p’ de voirgangne è tendre lai main.}
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Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis
Une bigote chez les gueux
Elle s’appelle Espérance, un beau nom pour une personne d’une foi agissante, qui va tous les jours à la messe matinale, qui pratique la charité tant qu’elle peut
L’Espérance dont je vous parle n’est plus de première jeunesse. Elle a élevé cinq enfants qui ont tous bien réussi dans la vie. La plus jeune est mariée à Paris. Sa mère va la voir bien souvent. C’est devenu facile maintenant avec le
TGV. Elle passe quelques jours dais la capitale et revient toute heureuse dans son coin de terre.
Devant l’église St-Eustache, un mendiant est assis sur les marches, à ses pieds un gobelet et un carton : «
J’ai faim.
» Espérance a bon coeur. Mais voilà, il est passé dix heures, en outre, sa bourse est au fin fond de son sac. «
Vous m’excuserez, mon pauvre homme, je suis déjà en retard pour la messe. Mais je prierai pour vous."
Pendant l’office, qui dure presque une heure, elle ne cesse de penser à son mendiant. . «
Je n’aurais pas dû. Ce n’est pas chrétien. Si je le retrouve, je lui donnerai quelque chose.
»
Quand elle sort de l’église, il n’est plus là. A sa place, il y a un manchot sur une couverture crasseuse. Elle lui tend un gros billet.
- Tenez, mon brave. Quand on a perdu les deux bras, il n’y a pas de honte à tendre la main.
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La chronique patoise du
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