Publié : 23 janvier 2015

La sorcière et l’ivrogne

Lai dgenâtche èt le pieinteusse

Bernard Chapuis

Paru dans LQJ du 23 janvier 2015

Lai dgenâtche èt le pieinteusse

{Èlle le saivait qu’è yevait l’coutre. Ses poirents yi aivïnt prou eurdit : « Léonie, ç’n’ât p’ât p’ïn hanne po toi., ! » Èlle n’é ran v’lu oûyi : - I l’ainme , qu’èlle diait. - È fait lai nace .Ç’ât ïn boyou, ïn ribotou. - I veut l’tchaindgie. - An n’tchaindge pe les dgens dïnche. Ès s’sont mairiès tot d’meinme, contre l’aivis des poirents. Les premies chés mois, le Djulat s’ât t’ni bïn d’aidroit. - Vôs voites, que diait lai Léonie. - Aittends pie ! Èl é eurtrovè ses meingnous d’aivaint èt peus è s’ât r’botè è boire. Lai Léonie d’moérait tot d’pai lée en l’hôtâ èt pûerait djuqu’è son r’toé. Pus d’ïn côp, èlle ât allèe le tçhri â cabairèt. Çoli n’poéyait p’durie. Èlle décidé d’yi bèyie ènne yeçon. È y é des fannes qu’aittendant yote pieinteusse de mairi d’aivô l’rôla è paîte. Lée, ç’ât l’écouve qu’èlle é pris, bïn décidèe è yi fotre ènne chlaguèe. « Çte crevure de Djulat, è veut s’en seuv’ni. » Ch’le côp d’méneût, ci piainteusse rentre en l’hôtâ, che noi qu’è poéyait è poéne s’teni chu ses tchaimpes. È beûye l’écouve èt peus èl écâçhe de rire : - Ç’ât po écouvaie lai tieujènne ou bïn ç’ât po t’envoulaie â saibbait, véye dgenâtche ?} --- {ses meingnous d’aivaint,} ses anciens copains ---- Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis

La sorcière et l’ivrogne

Elle le savait bien qu’il avait tendance à boire. Ses parents le lui avaient assez répété : « Léonie, ce n’est pas un homme pour toi ! » Elle n’a rien voulu entendre : - Je l’aime , disait-elle. - Il fait la noce. C’est un buveur, un picoleur. - Je le changerai - On ne change pas les gens comme ça. Ils se sont mariés cependant, contre l’avis des parents. Les six premiers mois, Jules s’est tenu correctement. - Vous voyez, disait Léonie. - Attends un peu ! Il a retrouvé ses anciens copains et s’est remis à boire. Léonie restait seule à la maison et pleurait jusqu’à son retour. Plus d’une fois, elle est allée le rechercher au café. Cela ne pouvait plus durer. Elle décida de lui donner une leçon. Il y a des femmes qui attendent leur ivrogne de mari armées d’un rouleau à pâte. Elle, c’est le balai qu’elle a choisi, bien décidée à lui flanquer une raclée. « Sacré dévergondé de Julot, il va s’en souvenir ! » Sur le coup de minuit, le poivrot regagne le foyer, éméché au au point de ne plus pouvoir se tenir sur ses jambes. A la vue du balai, il éclate de rire : - C’est pour balayer la cuisine ou pour pour t’envoler au sabat, vieille sorcière ? {ses meingnous d’aivaint,} ses anciens copains ---- La chronique patoise du QJ en direct :