Par : Fleury LJ
Publié : 16 mai 2014

Le prénom

Le p’tèt nom

Jean-Marie Moine

Paru dans Arc Hebdo le 15 mai 2014

Le p’tèt nom

Tiaind qu’ vôs ôtes obïn qu’ vôs yétes ïn p’tét nom, i seus chur qu’ è vôs vïnt en l’ échprit tote lai rote de dgens qu’ vôs èz coégnu pe qu’ poétchïnt ci p’tét nom. Des côps, ç’ ât bïn chur ènne petéte rote, chutôt qu’ mit’naint, les djûenes coupyes bèyant s’vent en yôs afaints, des che soûetches p’téts noms, qu’ an se d’mainde laivoù qu’ ès sont aivu t’çh’ri çoli. L’ âtre djoué, en ènne de nôs lôvrèes d’ patois, nôs en v’niainnes è djâsaie di p’tét nom d’ Évârichte. Des Évârichte, i n’ en aî ran qu’ coégnu qu’ dous (ch’ an peut dïnche dire ; vôs v’lèz compâre ïn pô pus taîd !). Mains, les seûv’nis qu’ se ceurtchant dains mai téte és doûes dgens qu’ aint poétchè ci p’tét nom, aint r’yu dains mon échprit, daivô ènne grôsse oufanâchion (ostenta-tion). Lai premiere de ces dgens qu’ i aî coégnu, c’ était ç’t’ Évârichte Lachat qu’ était raicodjaire è Alle, è y é mit’naint ïn pô pus d’ soichante ans. Èl était v’ni en lai normâ l’ écôle po nôs aippâre ïn échtraît d’ lai vailche « Le Bé bieû Dainube » compôjè poi ci Johann II Strauss. Nôs aivïns tchaintè ç’te vailche daivô les aîdjôlats raicodjaires. Nôte Ainne-Mairie des p’nies, c’ât dïnche qu’ èlle ainme qu’ an l’aipp’leuche, était en lai lôvrèe d’ patois. Ç’te Cra péssé sai djûenence è Alle, pe, ât aivu ènne éyeuve de ç’t’ Évârichte. Tot comptant, lai voili qu’ nôs raiconte yun d’ ses nïmbrous seûv’nis d’ son temps d’ écôle. Ïn djoué, qu’ lai Dyitte, sai véjènne de bainc ne saivait p’ quoi répondre â régent qu’ y’ aivait pôjè ènne quèchtion, nôte Ainne-Mairie des p’nies y’ çhoûeçhé : « ja-ma-py ». L’ Évârichte qu’ aivait ôyi çoli, boté tot comptant nôte Ainne-Mairie en lai poûetche. Ç’té-ci nôs dié encoé qu’ bïn chur èlle n’ en v’lait piep’ ïn poi en son maître, mains qu’ èlle aivait chutôt pavou qu’ son pére aippregneuche qu’ èlle était aivu en lai poûetche. Vôs voites qu’ les temps aint bïn tchaindgie : mit’naint, lai pupaît des éyeuves qu’ vaint en lai poûetche, s’ en braigant… ! Le ch’cond, l’Evarichte Galois [1811 - 1832] qu’ i aî « coégnu », ç’ ât ïn mâdit mathémâtichien. Poquoi mâdit ? D’ aibaid, èl ât moûe è vint è yun ans…en dyuèye po ènne baîchatte ïn pô youcatte. Po des polititçhes réjons èl é fait d’ lai prejon. Pe ç’t’ ailuè djûene hanne était che aivaincie, qu’ les grôs mathémâtichiens d’ ci temps-li n’ aint p’ compris sai tyiorie ; chèrtans aint meinme predju ç’que ci Galois yôs aivait graiy’nè. Ç’ ât empie en 1981 qu’ an ont enfïn poéyu compâre les aivisâles de ci djûene saivaint. Chi âchi, tot é bïn tchaindgie. Mit’naint, quéqu’un fait ïn pat d’traivie, lai m’nute d’ aiprés, lai feuye, lai radio, lai laivimaîdge, tus ritans po qu’ tot l’ monde le saitcheuche… ! {J-M. Moine}

Le prénom

Lorsque vous entendez ou que vous lisez un prénom, je suis sûr qu’il vous vient à l’esprit tout un ensemble de personnes que vous avez connues et qui portaient ce prénom. Parfois, c’est bien sûr un tout petit groupe, surtout que maintenant, les jeunes couples donnent souvent à leurs enfants des prénoms si drôles, qu’on se demande où ils ont été chercher cela. L’autre jour, lors d’une de nos soirées de patois, nous en vînmes à parler du prénom Evariste. Des Evariste, je n’en ai « connu » que deux (si l’on peut dire ainsi ; vous comprendrez plus tard !). Mais, les souvenirs qui se raccrochent dans ma tête au deux personnes qui ont porté ce prénom, ont relui dans mon esprit, avec une grande ostentation. La première de ces personnes que j’ai connues, c’était Evariste Lachat qui était instituteur à Alle, il y a maintenant un peu plus de soixante ans. Il était venu à l’école normale pour nous apprendre un extrait de la valse « Le Beau Danube bleu » composé par Johann II Strauss. Nous avions chanté cette valse avec les instituteurs ajoulots. Notre Anne-Marie des paniers, c’est ainsi qu’elle aime qu’on l’appelle, était à la soirée de patois. Cette « Cra » passa sa jeunesse à Alle, et a été une élève d’Evariste. Immédiatement, la voilà qui nous raconte l’un de ses nombreux souvenirs de son temps d’école. Un jour, alors que Marguerite, sa voisine de banc, ne savait pas quoi répondre à l’instituteur qui lui avait posé une question, notre Anne-Marie des paniers lui souffla : « ja-ma-py ». Evariste qui avait entendu cela, mit immédiatement notre Anne-Marie à la porte. Celle-ci nous dit encore que bien sûr, elle n’en voulait pas du tout à son maître, mais qu’elle craignait surtout que son père apprenne qu’elle avait été à la porte. Vous voyez que les temps ont bien changé : maintenant, la plupart des élèves qui vont à la porte, s’en vantent… ! Le second, Evariste Galois [1811 -1831] que j’ai « connu », c’est un mathématicien maudit. Pourquoi maudit ? D’abord, il est mort à vingt et un ans…en duel pour une fille un peu légère. Pour des raisons politiques il a fait de la prison. Et, ce jeune homme intelligent était si avancé, que les grands mathématiciens de ce temps-là n’ont pas compris sa théorie ; certains ont même perdu ce que Galois leur avait écrit. C’est seulement en 1981 qu’on a enfin pu comprendre les idées de ce jeune savant. Ici aussi, tout a bien changé. Maintenant, quelqu’un fait un « pet de travers », la minute d’après, le journal, la radio, la télévision, tous courent pour que tout le monde le sache… ! {J-M. Moine}