Par : Fleury LJ
Publié : 7 septembre 2013

Un beau cadeau

Ïn bé crôme

Marie-Louise Oberli, la Babouératte

Ïn bé crôme

De mon premie couté, y en voidge ïn seuvni revirie. Y ne djâse pon di creûyat ébretchie, trésôe de mes annèes d’écôle, que ne tchitie djemais mai baigatte ! Ç’ât di couté rci dâs mon parron, le djoué de mai confîermâtion. « Tins, qu’è m’dit en me baiyaint ène petéte roudge boûete. Mitnaint, t’és quâsi ïn hanne ! Aippare ïn métie, faire ton écôle de soudait ; pe t’és prât po cheûdre ton tchmïn dains lai vétchaince. Y tchuât que t’en feuseuche bon eûsaidge ». Lai petéte boûete eûvée, qu’ée churprise di détcheuvri ïn couté ! Pon ïn coutelas, nyan, ïn couté d’hanne, tot pitche cmen ç’tu de mon parron. Y en étôs écâmi. Bïn des côs è m’é fait envyétaince. Tchaind, â coués de nos viries és tchaimpois, dains les bôs, è tirie feûs son couté de sai baigatte po taiyie ène vouidatte, maiynaie des syôtrats aivô ène braintche de tcheudre, ène tidge de tchutchu. Paiyisain raivouétaint, è rèyuait aidé âtche. Que se feuche : ïn uti, ène lainîere de boré, le soiyat és pôes ; ren ne rjippait â saivoi-fait de mon parron pe de son couté. Les an-nèes int péssè. Mon parron n’ât pus lì. Son bé crôme ne me tchitte pon. Svent ôdjoiyie sains ménaidgement, èl ât demouérè tâ qui l’aî rcit le djoué de mai confîermâtion. Y aî rébiè de vôs baiyie les détaiyes de ci couté se aîsie. Èl é doux laimes : ène londge, ène pus couétche, doux âtres, sains trantchaint, pus raiccouétchies aivô des décôpures. Ène po eûvri les boûetes en fé byainc ; l’âtre, po révaie lai calotte en métâ és botoiyes. Ène ponte è trépoutie le tchu, ène po vissie pe sains rébiaie ïn envirnâ ! Le tot aiménaidgie aivô sné, sarrè entre doux roudges pyaiques, de molure roudge foncie, ène épignolèe d’ène croux suisse. Ç’ât ïn couté bïn de tchie nos, vu qu’è sôt de lai fabrique Wenger de Dlémont. Dâs dézeut cent nonente-trôs, ses diridgeaints ïnt ûevrè po voidgeaie lai renanmèe de lai mâson pe baiyie en ci couté aidé pus de qualitè. Cment tchudite-vos qui otchupe mes doux boûebes le duemoûene lai reûssue ? En pouérmenade és tchaimps, y taiye des vouidattes po laincie des baibôlattes ; y maiyne des syôtrats, aidé aivô mon couté. Hé ! Parron ! És-te aîse de ton fieû ? { Lai Babouératte}

Un beau cadeau

De mon premier couteau, j’en garde un souvenir ému. Je ne parle pas du couteau usé, ébréché, trésor de mes années d’école qui ne quittait jamais ma poche ! C’est du couteau reçu de mon parrain, le jour de ma confirmation. « Tiens, qu’il m’a dit en me donnant une petite boîte rouge. Maintenant, tu es presque un homme ! Apprendre un métier, faire ton école de recrue et tu es prêt pour suivre ton chemin dans la vie. Je souhaite que tu en fasses bon usage ». La petite boîte ouverte, quelle surprise de découvrir un couteau ! Pas un canif, non un couteau d’homme, tout pareil, comme celui de mon parrain. J’en étais stupéfait ! Plusieurs fois, il m’a fait envie. Quant au cours de mes virées aux pâturages, dans les forêts, il sortait son couteau de sa poche pour tailler une baguette, bricoler des sifflets avec une branche de noisetier, une tige de berce commune. Paysan économe, il réparait sans cesse quelque chose. Que ce soit : un outil, une lanière de harnais, la seille des cochons ; rien ne résistait au savoir-faire de mon parrain et de son couteau. Les années ont passé. Mon parrain n’est plus là. Son beau cadeau ne me quitte pas. Souvent utilisé sans ménagement, il est resté tel que je l’ai reçu le jour de ma confirmation. J’ai oublié de vous donner les détails de ce couteau pratique. Il a deux lames, une longue, une plus courte, deux autres, sans tranchant, plus raccourcies avec des découpes. Une sert à ouvrir les boîtes en fer blanc ; l’autre à ôter la calotte de métal aux bouteilles. Un poinçon, un tournevis et sans oublier un tire-bouchon ! Le tout aménagé ingénieusement, serré entre deux plaques de couleur rouge foncé, l’une enjolivée d’une croix suisse. C’est un couteau bien de chez nous , vu qu’il sort de la fabrique Wenger à Delémont. Dès 1893, ses dirigeants ont œuvré pour garder la renommée de la maison et donner à ce couteau toujours plus de qualité. Comment prétendez-vous que j’occupe mes deux garçons le dimanche après-midi ? En promenade aux champs, je taille des verges pour lancer des baies de pomme de terre ; je bricole des sifflets, toujours avec mon couteau. Hé ! Parrain ! Es-tu content de ton filleul ? {La Coccinelle }