Par : Fleury LJ
Publié : 29 mars 2013

L’essaim…

Le d’chtun…

Jean-Marie Moine

Paru dans Arc Hebdo de fin mars 2013

Le d’chtun…

« Scienche sains couchieinche n’ ât ran qu’ rûene de l’ aîme » ; ç’ ât lai patoise trâduchion de ç’ qu’ ïn djoué, ci Rab’lais é dit (obïn é graiy’nè) â sâzieme siecle. Â péssè siecle, ç’t’ Ein-stein nôs é aiv’tchi : « Che ïn djoué è n’ y é pus d’aîchattes ch’lai tiere, ç’ veut étre lai fïn d’ l’ hann’lâtè ». Ch’ i vôs djâse de çoli âdjd’heû, ç’ât tot sïmpyement poch’qu’ an yét dains les feuyes, an ôt en lai radio, an voit en lai laivïnmaîdge que nôs poûeres aichattes sont en train d’ meuri. È bïn, musètes-vôs : pus d’ aîchattes, pus d’ çhoés, pus d’ piaintes, pus d’hierbe, pus d’fruts, pus d’ bétes…, pus ran è maindgie dains nos aissietes ! I n’ voérôs p’ vôs faire è pavou, mains nôs en sons bïntôt li. Poquoi ? Poch’qu’ adjd’heû, ç’ ât les grôs sôs, les méroiboyainnes châgues (les bénéfices) que moinnant l’ monde poi l’ bout di nèz. Qu’ ïmpoétchant les qu’cheuyeinches (les conséquences), les hannes è pe les les diridgeous aint predju yôte couchieinche. Épreuvans de r’pâre ïn pô pie daivô lai vrâ cheûyainne hichtoire. Tiaind qu’ lai mére de mai mére ât moûe, l’ aibbé Monn’rat, tiurie d’ Mont’gnez, était v’ni en l’entier’ment és Breuleux, daivô sai « Vespa ». Aiprés lai nonne, è me d’maindé ch’ i v’lôs rentraie dains mon v’laidge daivô lu. I y’ dis tot comptant qu’ âye. Airrivès vés lai dyairre de Meuriâ, nôs voyainnes ènne rote de dgens qu’ étïnt vés ènne baîrre, laivoù qu’ ïn d’tchtun d’ aîchattes était aiccretchie. È n’ en fayait p’ de pus po qu’ note turie s’ râteuche. È d’maindé en ç’tu qu’ aivait tot l’aiccoutraidge d’ l’ éy’vou d’ aîchattes de botaie d’ènne sen son enfmierou, pe de t’ni lai caîse dôs le d’tchtun. Pe è s’ aivaincé vés lai baîrre. Les dgens qu’ étïnt li s’ botainnent quâsi è pûeraie : mains m’ssieu l’ tiurie, léchietes çoli, vôs s’ v’lèz faire è pitçhaie… È réponjé : les aîchattes ne sont p’ métchainnes, ç’ ât les dgens qu’ le poéyant étre. Pe èl aigongé d’ fregoinnaie tot ball’ment dains le d’tchtun daivô sai main. Tot d’ ïn côp, è m’ aipp’lé : Vïns voûere Jean-Marie, voili lai reinne. I lai vois dâs ci qu’ i y’ dié, en d’moéraint prou laivi di d’chtun. Bogre de p’tét mentou qu’ t’ és qu’ è m’ dié encoé. Pe, pregnaint ènne empâmèe d’ aîchattes daivô lai reinne, è lai boté emméhl’ment dains lai caîse. Cïntçhe è dieche menutes pus taîd totes les aîchattes étïnt dains lai caîse. Les d’rieres è entraie étïnt craibïn lai ceintainne d’ aîchattes qu’ note tiurie aivait ch’les brais, ch’les mains, ch’le vésaidge… È yôs djâsait, pe les s’mongeait è r’trovaie yôte reinne. J-M. Moine

L’essaim…

« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » ; c’est la traduction patoise de ce qu’un jour, Rabelais a dit (ou a écrit) au seizième siècle. Au siècle passé, Einstein nous a avertis : « Si un jour il n’y a plus d’abeilles sur la terre, ce sera la fin de l’humanité ».Si je vous parle de cela aujourd’hui, c’est tout simplement parce qu’on lit dans les journaux, on entend à la radio, on voit à la télévision que nos pauvres abeilles sont en train de mourir. Eh bien, songez : plus d’abeilles, plus de fleurs, plus de plantes, plus d’herbe, plus de fruits, plus de bêtes…, plus rien à manger dans nos assiettes ! Je ne voudrais pas vous faire peur, mais nous en sommes bientôt là. Pourquoi ? Parce qu’aujourd’hui, ce sont les gros sous, les bénéfices mirobolants qui mènent le monde par le bout du nez. Qu’importent les conséquences, les hommes et les dirigeants ont perdu leur conscience. Essayons de reprendre un peu pied avec la véritable histoire suivante. Quand la mère de ma mère est morte, l’abbé Monnerat, curé dde Montignez, était venu à l’enterrement aux Breuleux, avec sa « Vespa ». Après le repas, il me demanda si je voulais rentrer dans mon village avec lui. Je lui dis immédiatement que oui. Arrivés vers la gare de Muriaux, nous vîmes un groupe de gens qui étaient près d’une haie où un essaim d’abeilles était accroché. Il n’en fallait pas plus pour que notre curé s’arrêtât. Il demanda à celui qui avait tout l’accoutrement de l’apiculteur de mettre de côté son enfumoir et de tenir la caisse sous l’essaim. Puis il s’avança vers la haie. Les gens qui étaient là se mirent presque à pleurer : mais monsieur le curé, laissez cela, vous allez vous faire piquer… Il répondit : les abeilles ne sont pas méchantes, c’est l’homme qui peut l’être. Puis il continua à fourgonner tout doucement dans l’essaim avec sa main. Soudain, il m’appela : Viens voir Jean-Marie voilà la reine. Je la vois d’ici lui dis-je en restant assez loin de l’essaim. Bougre de petit menteur que tu es, me dit-il encore. Et, prenant une poignée d’abeilles avec la reine, il la déposa délicatement dans la caisse. Cinq à dix minutes plus tard, toutes les abeilles étaient dans la caisse. Les dernières à y entrer étaient peut-être la centaine d’abeilles que notre curé avait sur les bras, sur les mains, sur le visage. Il leur parlait et les invitait à retrouver leur reine. J-M. Moine