Par : Fleury LJ
Publié : 17 décembre 2012

La mémoire vivante

Lai vétçhainne mémoûere, février 2009

Jean-Marie Moine

Paru dans Arc Hebdo, février 2009

Lai vétçhainne mémoûere

Tot c’ment moi, vôs s’rélâdjèz chur’ment tiaind qu’ vôs aipprentes poi lai feuye, qu’ ènne dgen vïnt d’ fétaie ïn aîvaincie l’ aîdge. Ènne grante vétçhaince ât tchairdgie d’ taint d’ seûvnis, d’ taint d’ tchôses qu’ an ainme tot sïmpyement paitaidgie. Afaints, p’téts-l’ afaints, n’ rébiètes pe d’ pâre di temps po ôyi vôs grants-pairents o vôs réres-grants-pairents. Vôs èz des imaidges (photos) qu’ vôs raipp’lant les boinnes boussèes qu’ vôs èz péssè d’aivô yôs. Adjd’heû, vôs èz encoé meu  : vôs les peutes enrôlaie, dïnche yôs voûes se n’ v’lant dj’mais coidgie. Pe chutôt, eurtïntes bïn les sïmpyes euy’çons d’ saidgence qu’ se coitchant d’rie les valmons d’ dires d’ vôs ancétres  ! L’ Djeain, ïn vavrè l’ hanne qu’ é adjd’heû pus d’ sèptante ans, é éy’vè dous l’afaints  : ènne baîchatte, lai Jeanne, mairièe pe mére de trâs afaints, pe ci Dyi, bïn pus djûene qu’ lai Jeanne. Dâs tot p’tét, l’ Dyi aivait bèyie di tieûsain en ses pairents. Poétchaint, l’ Djeain pe sai fanne aivïnt tot fait po aichurie en ci boûebe ïn daidroit l’ aiv’ni. L’ âtre djoué, en lai moirande, ci Djeain, l’ rére-papon d’ lai famille s’ ât quâsi botè è pueraie tiaind qu’ le Dyi ât v’ni è tâle en r’nondaint contre tot l’ monde, pe en diaint qu’ an aivait ran qu’ è fotre defeus les véyes dgens qu’ côtïnt che tchie és djûenes. Bèye-me ç’ que t’ me dais dié-t-é en son pére, po qu’i poéyeuche moinnaie mai vie c’ment qu’ i l’ veus, pe toi, an t’ botront dains ènne mâjon d’ véyes  ! Sai soeûr, lai Jeanne s’ engraigné meinme pe eurpregné son frére en yi f’saint è r’mairtchaie qu’ an n’ oûejait p’ dire dïnche âtche. L’soi, tot d’ pai lu dains son poiye, l’ Djeain graiy’né ç’ que cheût chus ïn paipie  : Mon chér Dyi, i crais qu’ èl ât temps d’ te dire âtçhe. T’ n ès p’ note boûebe  ; tes pairents sont moûes les dous dains ïn aiccreu d’ dyïmbarde, e végènne Fraince. È n’ y aivait pus niun po t’ éy’vaie. Dâli, mai fanne è pe moi, nôs t’ ains aimoinnè tchie nôs, nôs t’ ains neurri, nôs t’ ains ainmè c’ment ch’ t’ étôs note boûebe. È m’ en encrât qu’ nôs n’ aiveuchïns p’ aivu l’ coéraidge de t’ en djâsaie. Nôs aivïns taint pavou d’ te faire d’ lai poinne. L’ lend’main, l’ Djeain boté ci biat dains l’aissiete di Dyi. Ç’tu-ci, c’ment d’ aivége, s’ engraingné, paitché d’ l’ hôtâ, pe n’ y r’venié qu’ bïn pus taîd. L’ djoué d’ lai r’trove, an f’sont lai féte djainqu’ taîd dains lai neût. Lai vartè d’ lai vétçhainne mémoûere aivait ïn côp d’ pus fait son tch’mïn  ! J-M. Moine

La mémoire vivante

Comme moi, vous vous réjouissez certainement quand le journal vous apprend qu’une personne vient de fêter un âge avancé. Une longue vie est chargée de tant de souvenirs, de tant de choses qu’on aime tout simplement partager. Enfants, petits-enfants, n’oubliez pas d’écouter vos grands-parents ou vos arrière grands-parents. Vous avez des photos qui vous rappellent les bons moments que vous avez passés avec eux. Aujourd’hui, vous avez mieux encore  : vous pouvez les enregistrer, ainsi leurs voix ne se tairont jamais. Surtout, retenez bien les leçons simples de sagesse qui se cachent derrière les tas de dires de vos ancêtres  ! Jean, un homme veuf âgé aujourd’hui de plus de septante ans, a élevé deux enfants  : une fille, Jeanne, mariée et mère de trois enfants, et Gui, bien plus jeune que Jeanne. Depuis son plus jeune âge, Gui avait donné du souci à ses parents. Pourtant, Jean et sa femme avaient tout fait pour assurer à ce garçon un avenir prometteur. L’autre jour, lors du souper, Jean, l’arrière grand-père de la famille s’est presque mis à pleurer quand Gui est venu à table en rouspétant contre tout le monde et en disant qu’ on devait mettre dehors les vieilles personnes qui coûtaient cher aux jeunes. Donne-moi ce que tu me dois, dit-il à son père, pour que je puisse mener ma vie comme je le veux, et toi, on te mettra dans une maison de personnes âgées  ! Sa sœur Jeanne se fâcha même et reprit son frère en lui faisant remarquer qu’on n’osait pas parler ainsi. Le soir, seul dans sa chambre, Jean écrivit ce qui suit sur un papier  : Mon cher Gui, je crois qu’il est temps de te dire quelque chose. Tu n’es pas notre fils  ; tes parents sont morts dans un accident de voiture, en France voisine. Il n’y avait plus personne pour t’élever. Alors, ma femme et moi, nous t’avons amené chez nous, nous t’avons nourri, nous t’avons aimé comme si tu avais été notre propre fils. Je regrette que nous n’ayons pas eu le courage de t’en parler. Nous craignions tellement de te faire de la peine. Le lendemain, Jean déposa ce billet dans l’assiette de Gui. Celui-ci, comme d’habitude se fâcha, quitta la maison et n’y revint que bien plus tard. Le jour des retrouvailles, on fit la fête jusque tard dans la nuit. La vérité de la mémoire vivante avait une fois de plus fait son chemin  !