Publié : 3 juin 2009

Lai Grie

Nous avons écrit le scénario en nous inspirant de la réplique d’une pièce de théâtre dont l’auteur est le défunt Djoset Barotchet. L’histoire se passe dans le temps où les jeunes garçons allaient finir leur école « sur les Allemands », voir comment on schlaguait le katz avec un steck. Un jeune garçon s’en était donc allé au printemps à Metzerlen, du côté de Mariastein, un pays de vergers. Il n’était pas question de rentrer toutes les semaines. Le premier congé devait avoir lieu pour la Toussaint. Or voilà-t-il pas que le Timo revient tout apeuré à la maison le lundi soir. Décor : le poye (chambre de ménage) d’une ferme jurassienne, un lundi soir. Personnages : un adolescent et sa mère. Nos remerciements à Denis Frund qui a assuré la traduction du texte. Marie-Thérèse Chételat de Montsevelier joue le rôle de la mère et nous a enregistré une bande son qui a permis à l’élève de restituer la sonorité d’origine du patois.
---- L’enregistrement vidéo de Timothé et Marie-Claire Chételat ----

Lai Grie

☺{{ { Lai mére } }}Qu’ât-ce te fais li mon afaint, tot grulaint de pavou ? ☻ {{ {Timothé} }} Mai mére, te n’sairôs craire c’ment qu’sont les Allemoûess. {{ {☺ Lai mére} }} Poquoi, ès n’sont p’ c’ment nos ? {{ {☻ Timothé } }}Po chur, èls aint ènne téte, dous brais et dous tchaimbes. Même qu’ès djâsans de lai gâtche, aivô l’temps on écmence pai s’aivégie. {{ {☺ Lai mére} }} Dâli qu’ât-ce que s’ât péssè ? {{ {☻ Timothé } }}I veus t’le dire lai mére. Â mois djuillet, c’était l’temps des ç’lieges. Eh bïn nos ains maindgie des ç’lieges è dédjunon, po les dieches, des ç’lieges é médè, é quaitre et po cheudre ainco po lai moirande. Des ç’lieges en toétché, en begnats, en clafoutis, en moujlates. Èls nos r’goûessaient pai les aroiyes. {{ {☺ Lai mére } }}C’ât normâ mon boûebe, é n’ât p’question de mâviaie tchie loues c’ment tchie nos. {{ {☻ Timothé } }}Aittends lai cheute, Tiaind l’temps des quwètches feut li, nos en ains aiyu è r’bousse-meûté ! {{ { ☺ Lai mére} }} Ainco in côp, ran de pus normâ. Et dâli… {{ {☻ Timothé} }} È y é trâs s’nainnes, le yundé maitïn, nos ains trovè ïn vé qu’aivait cravè et qu’était tot roid d’ côte d’sai mére. Eh bïn nos ains bâfrè d’ci vé cravé tote lai s’nainne. {{ {☺ Lai mére } }}És aivïnt bïn réjon. An n’ont dje p’ che s’vent d’lai tchie è maindgie. {{ {☻ Timothé } }}L’cheyaint yundé, nos ains trovè ïn létan qu’était cravè, dâli nos ains maindgie di poue tote lai s’nainne ! {{ {☺ Lai mére } }}I n’vois p’ vrâment laivou ât le probyème ! {{ {☻ Timothé } }}I n’sais p’che les bétes le f’sïnt echqueprès ou bïn ch’èls étïnt endjnâtchies. Le diaîle était dains lai mâjon. Ïn côp ïn kni (tçhni), ïn côp ïn vé, aiprès ïn létan. {{ {☺ Lai mére} }} Le diaîle, t’en és de boènnes toi ! {{ {☻ Timothé } }}Aittends lai cheute. Ci maitïn, ainco ïn yundé, i les trove tôs que pûerïns, que pûerïns. Lai grosse-mouetti aivait rébiè de çhôçhaie. Te peus bïn craire qu’i n’aî p’ d’maindè mon rechte et qu’i m’ seus sâvè â pus vite. M.-Th et Timo

L’ennui

{{ {☺ La mère} }} Que fais-tu là mon enfant ? tout grulant de peur. {{ {☻ Timothé } }}Maman, tu ne peux pas croire comme ils sont sur les Allemands ! {{ {☺ La mère} }} Pourquoi, ils ne sont pas comme nous ? {{ {☻ Timothé } }}Pour sûr, ils ont une tête, deux bras et deux jambes. Même s’ils parlent de la main gauche, avec le temps on finit par s’habituer. {{ {☺ La mère } }}Alors que s’est-il passé ? {{ {☻ Timothé} }}Je veux te le dire. Au mois de juillet c’était les temps des cerises. Eh bien nous avons mangé des cerises à déjeuner, aux dix-heures, à midi, aux quatre-heures et pour finir encore au souper. Des cerises en gâteau, en beignets, en clafoutis, en omelettes. Elles nous sortaient par les oreilles. {{ {☺ La mère } }}C’est normal, pas question de gaspiller chez eux comme chez nous. {{ {☻ Timothé } }}Attends la suite. Quand fut venu le temps de quetsches, nous avons eu des quetsches à « rebousse meuté ». {{ {☺ La mère} }} Encore une fois, rien que de plus normal. Et alors… {{ {☻ Timothé} }} Il y a trois semaines, le lundi matin, nous avons trouvé un veau qui avait crevé et qui était tout raide à côté de sa mère. Eh bien, nous avons bâfré du veau crevé toute la semaine. {{ {☺ La mère } }}Ils avaient bien raison. On n’a déjà pas si souvent de la viande à manger. {{ {☻ Timothé } }}Le lundi suivant nous avons trouvé un porcelet crevé, alors nous avons mangé du porc toute la semaine. {{ {☺ La mère} }} Je ne vois vraiment pas le problème ! {{ {☻ Timothé} }} Je ne sais pas si les bêtes le faisaient exprès ou si elles étaient ensorcelées. Le diable était dans la maison. Une fois un lapin, une fois un veau, une fois un porcelet. {{ {☺ La mère } }}Le diable, tu en as de bonnes, toi ! {{ {☻ Timothé } }}Attends la suite. Ce matin, encore un lundi, je les trouve tous qui pleuraient, qui pleuraient. La grand-mère avait oublié de respirer.Tu peux bien croire que je n’ai pas demandé mon reste et que je suis rentré au plus vite. ---- Enregistrement de Marie-Claire Chételat par Vincent Brêchet, à Montsevelier, en novembre 2008.
Marie-Claire Chételat, Lai grie
Marie-Claire Chételat, Lai grie
---- L’enregistrement vidéo de Timothé et Marie-Claire Chételat Une autre version racontée par Lucas et Savanah La caméra était tenue par Isabelle Chételat. Merci à Manu Zannato, Benjamin Stebler et l’équipe de télémédias !