Par : Fleury LJ
Publié : 20 juillet 2012

Parler du temps

Djasaie di temps

Bernard Chapuis

Paru dans Le Quotidien jurassien du 20 juillet 2012. ---- {È fât pare le biè cment qu’è crât et peus le temps cment qu’è vïnt.} Il faut prendre le blé comme il pousse et le temps comme il vient. {S’è pieut en lai Sïnte-Aigathe, le biè crât dains les prates.} S’il pleut à la Sainte-Agathe, le blé croît dans les pierres. {Lai pieudge de lai Sïnt-Djeain pœûrrât nœûjéyes et yainds. } La pluie de la Saint-Jean pourrit les noisettes et les glands. {Les pieudges di maitïn et les dainses de véyes fannes ne durant pon longtemps. } Les pluies du matin et les danses de vieilles femmes ne durent pas longtemps. {Gralate d’aivri, feumie de bèrbis. } Grésil d’avril, fumier de brebis. {Le coucou é tchaintè, aidue lai dgealèe !} Le coucou a chanté, adieu les gelées ! {En lai Tôssaint, les metaines és mains.} A la Toussaint, les mitaines aux mains. {Bé biè en hierbe, peut biè en dgierbes.} Beau blé en herbe, vilain blé en gerbes. {È y é des côps pus ai écoure qu’è vannè.} Parfois, il y a plus à battre qu’à vanner. (selon Jules Surdez)
---- {{Et encore quelques précisions}}

Djasaie di temps Parler du temps

Le temps moinne les dgens. Le temps atmosphérique a toujours été une constante préoccupation en milieu rural, surtout à une époque où la météorologie officielle était inexistante. On se raccrochait aux dictons transmis par les générations et basés sur l’observation. En voici quelques-uns parmi ceux recueillis par Jules Surdez (Actes 1927 et 1929). L’orthographe originale est respectée. L’aspect du ciel et son évolution est le sujet de toutes les conversations. Parfois on parle de la pluie et du beau temps uniquement pour maintenir le contact. {Cetu que djâse di temps djâse de ren.} Celui qui parle du temps ne parle de rien. De toute façon, on n’y peut rien changer. La sagesse populaire le dit clairement : {È fât pare le biè cment qu’è crât et peus le temps cment qu’è vïnt.} Il faut prendre le blé comme il pousse et le temps comme il vient. Certains adages se veulent prédictifs. Ainsi : {Annèe de caincouenes, annèe de bouebes.} Année de hannetons, année de garçons. On se demande quelle mystérieuse relation il y a entre les hannetons et les garçons. {Annèe de brussâles, annèe de biassons.} Année de brouillards, année de poires sauvages. A l’aube de l’année nouvelle, on fait des pronostics. {S’en maindge les vouityes â soroille, en caque les ues â poille.} Si l’on mange des vèques au soleil, on heurte les oeufs dans la chambre. Équivaut à : Noël au balcon, Pâques aux tisons. La {vouitye} est un pain tressé. {Caquaie les ues d’Paîtçhe} est un jeu qui consiste à heurter son œuf dur contre celui de l’adversaire. Il arrive qu’il tonne à la fin de l’hiver avant la frondaison. Mauvais présage. {Tiaind qu’è toinne chus le bos défeuillie, è noidge chus le bos feuillie.} Version française : Quand il tonne sur le bois nu, il neige sur le bois feuillu. {Aiprés lai dgealèe lai laivèe}. Les pluies printanières succèdent aux gelées. Que de sentences sur la pluie, souvent liés à un saint du calendrier. {S’è pieut en lai Sïnte-Aigathe, le biè crât dains les prates.} S’il pleut à la Sainte-Agathe, le blé croît dans les pierres. {Lai pieudge de lai Sïnt-Djeain pœûrrât nœûjéyes et yainds. } La pluie de la Saint-Jean pourrit les noisettes et les glands. Et voici notre saint Médard, fauteur de trouble : {S’è pieut en lai Sïnt-Médaid, se t’n’és pe de pain, t’airés di laîd.} S’il pleut à la Saint-Médard, si tu n’as pas de pain, tu auras du lard. Grasse consolation. On l’aura remarqué, le dicton joue souvent sur les assonances. Ne désespérons pas devant la pluie : {Se les gottes crâchant, les gottes décrâchant.} Si les gouttes croissent, les gouttes décroissent. Les pluies du matin, c’est connu, n’arrêtent pas le pèlerin, car elles sont généralement de courte durée : {Les pieudges di maitïn et les dainses de véyes fennes ne durant pon longtemps}. Les pluies du matin et les danses de vieilles femmes ne durent pas longtemps. En mi-journée, c’est autre chose : {Tiaind lai pieudge airrive â dénè, ç’ât po le réchte de lai djoinnèe.} Quand la pluie arrive à l’heure du dîner, c’est pour le reste de la journée. On reconnaît les bienfaits de la pluie du printemps : {Djemais pieudge de bontemps ne pessé po métchaint temps.} Jamais pluie de printemps n’a passé pour méchant temps. En revanche, le grésil d’avril n’enrichit pas la terre : {Gralate d’aivri, feumie de bèrbis.} Grésil d’avril, fumier de brebis. Dès que chante le coucou, c’est gagné, le bon temps a triomphé des dernières rigueurs. {Le coucou é tchaintè, aidue lai dgealèe !} Le coucou a chanté, adieu les gelées ! {En lai Pentecôte, les fraises en lai côte. En lai Féte-Due, les fraises en tot yue.} A Pentecôte, les fraises dans la côte ; à la Fête-Dieu, les fraises en tout lieu. L’automne marque la fin des travaux. Les jours rafraîchissent : {En lai Tôssaint, les metaines és mains.} A la Toussaint, les mitaines aux mains. Les vaches quittent les pâtures pour l’étable : {En lai Sïnt-Maitchïn, les vaitches â yïn.} A la Saint-Martin, les vaches au lien. Mais : {L’herbâ é encoé des bés djoés.} L’automne a encore de beaux jours. L’année ne tient pas toujours ses promesses : {Bé biè en hierbe, peut biè en dgierbes.} Beau blé en herbe, vilain blé en gerbes. {È y é des côps pus ai écoure qu’è vannè.} Parfois, il y a plus à battre qu’à vanner. L’hiver offre un temps de repos bien mérité : {L’huvie baille le froid, le bontemps lai voidjou, le tchâtemps le biè et l’herbâ le bon vïn.} L’hiver donne le froid, le printemps la verdure, l’été le blé et l’automne le bon vin. Bernard Chapuis ---- La chronique patoise du QJ en direct :