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{{à propos, que signifie Jura
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Jura
Du gaulois juris, forêt montagneuse. Le mot est latinisé dès l’époque du César, au I
er siècle avant J.-C dans le sens d’"arc jurassien, montagnes du Jura".
Le mot "joux", terme régional signifiant forêt de résineux, est issu de la même racine. Il en va de même pour la montagne du "Jorat", dans le canton de Vaud.
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{Introduction par l’auteur, Jean-Paul Prongué}
Brèves considérations sur la microtoponymie jurassienne
La toponymie est une discipline qui étudie l’origine, le sens et l’évolution des noms de lieux. Les noms donnés à des lieux-dits, des parties d’un terroir communal sont des microtoponymes. Une étude toponymique devrait, en principe, se baser non pas sur les versions actuelles de ces noms de lieux-dits, mais sur les premières appellations connues, que celles-ci remontent au
XIIe siècle ou au
XIXe siècle. Dans le contexte de cette modeste étude, seuls les microtoponymes figurant sur les cartes éditées par l’Office topographique fédéral, appelé aujourd’hui Swisstopo, ont été pris en considération.
Ces noms de lieux commencent à être officialisés au milieu du
XIXe siècle, lorsque les autorités bernoises font dresser des cadastres communaux. A l’époque, les arpenteurs officiels n’hésitent pas à franciser les appellations patoises transmises par les ruraux du Jura. Les actes médiévaux, notamment ceux des
XIIIe-
XIVe siècles, indiquent souvent les noms des lieux-dits où se trouvent des biens fonciers qui font l’objet de transactions comme des donations, des achats et des ventes, des engagements, des héritages, etc. L’historien constate avec émotion que, dans ces documents, les microtoponymes sont donnés dans leur version locale, en «
patois
» et non pas en latin ou en français.
Les appellations prises en compte dans la présente étude sont celles figurant sur la version informatique mise à disposition du public par swisstopo. Lorsqu’on compare cette version avec celle des cartes au 1:25’000 imprimées par l’Office topographique fédéral dans les années 1970-1980, on ne constate guère de modifications importantes. Néanmoins, certains toponymes ont disparu, victimes de l’extension des zones à bâtir. C’est ainsi que le lieu-dit «
St Hubert
», à Bassecourt, encore mentionné sur la carte au 1:25 000 de 1970, a disparu de la nouvelle édition publiée par Swisstopo.
D’autres ont été modifiés. Par réaction aux cartographes du
XIXe siècle qui francisaient les noms de lieux-dits, il arrive que ceux du Xxe siècle, sur les injonctions des autorités communales, «
repatoisent
» certains microtopoynmes. C’est notamment le cas à Courtedoux, où «
Noval
» et «
Buisson Carré
» de 1970 se muent en «
Enson Nova
» et «
Botchet Couèraie
» tandis que le ci-devant «
Val sur Chaux
» disparaît au profit d’un «
Tschaimps Tainais
»...
Il est rare que la dernière édition de swisstopo comporte des erreurs de transcription. On en trouve tout de même : c’est ainsi que l’ancien «
Borbet
» de Courgenay est présenté comme un «
Bordet
» et que «
La Montagne
», à Cornol, est présentée comme «
La Montage
»... Errare humanum est, avec ou sans informatique.
Pour les linguistes – et l’auteur n’en est pas un – le piège dans lequel il convient de ne pas tomber est celui qui consiste à trouver à tout prix une étymologie aux lieux-dits les plus difficiles à analyser. En consultant les dictionnaires de vieux français, les glossaires des patois d’oïl de la région, les ouvrages de philologie romane publiés par de savants chercheurs, on peut, si on cherche bien, «
découvrir
» des racines ou des origines plus ou moins plausibles à tel ou tel microtoponyme qui résiste à l’examen. Il faut renoncer, en pareil cas, à avancer des hypothèses hasardeuses et avouer posément son ignorance. A l’avenir, des spécialistes mieux armés que ceux de notre époque vont certainement faire reculer les friches de nos ignorances et de nos incertitudes.
Ces microtoponymes renvoient à différentes réalités géographiques, historiques... et autres. La configuration des campagnes jurassiennes se reflètent dans de nombreux termes comme «
Combe
», «
Mont
», «
Val
», «
Envers
», «
Roche
» accompagnés de diverses adjonctions ou dérivés plus ou moins patoisés ou francisés. Des vocables comme «
Péquis
», «
Banbois
», «
Breuil
», «
Pran
», «
Champ
», «
Essert
», «
Cerneux
», «
Planche
», «
Longennes
», «
Roies
» ou «
Saigne
» nous parlent la langue oubliée des méthodes culturales du temps jadis. La nature du terrain transparaît dans les «
Plain
», «
Ran
», «
Cras
», «
Joux
», «
Côte
», «
Vanné
» que l’on retrouve dans de nombreux parcellaires jurassiens. La couverture végétale, naturelle ou imposée par la main de l’homme, a donné leur nom à des toponymes comme «
Combe Belouchie
», «
Pommeret
», «
Ravières
», «
Champs Porpignat
», «
Maichières
», «
Fahy
», «
Sacy
», «
Vernois
», «
Coeudre
», «
Toyers
», «
Boulies
» et autres «
Bois
».
Les travaux de nos aïeux ont donné leur nom aux «
Fins
», «
Ordons
», «
Esserts
», «
Coperies
», «
Amatennes
», «
Faverges
», «
Charbonnières
» et autres «
Chaufours
». Le monde animal, encore existant ou disparu, n’est pas oublié dans un pays d’élevage où le gibier pullulait : les «
Paigre
», «
Vacherie
», «
Toré
», «
Côte aux Anes
», «
Entre Douvelie
», «
Sur Moton
», «
Côte Pussin
» voisinent avec des «
Louvière
», «
Patalour
», «
Creux des Biches
» et autre «
Roche aux Brochets
».
Le bonheur de vivre et de travailler le terroir jurassien se retrouve dans des toponymes qui évoquent des eldorados lointains ou d’humbles plaisirs de tous les jours, avec «
Le Canada
», «
Le Mexique
», «
L’Algérie
», «
Bellevue
», Mon Désir
» ou «
Mont Choisi
».
Les noms même de ces lointains ancêtres transparaissent, à grand peine ou de façon évidente, dans des toponymes comme «
Fregiécourt
», «
Cras d’Hermont
», «
Combe Chavat
», «
Vaboinat
» ou «
Chez Basuel
» et autres «
Peu-Claude
» ou «
Cerneux-Godat
». L’esprit facétieux des gens de ces siècles abolis qui nous adresse des clins d’oeil avec leurs «
Pichoux
», «
Trois Poissons
» – en plein terrain séchard – «
Buisson Galant
», «
Chez le Baron
», «
Bé l’Hanne
» ou... «
Neuf Cul
». Les références religieuses sont plus fréquentes que ces polissonneries avec des «
Champ de la Chapelle
», «
Combe Saint-Jean
», «
Saint-Nicolas
», «
Sainte-Colombe
», «
La Deute
», «
La Claverie
» et autres «
A la Croix
».
Ce travail ne prétend pas épuiser le sujet de la microtoponymie jurassienne. Il est du reste à souhaiter que ce thème soit un jour abordé, sans doute à un échelle plus vaste, par une équipe pluridisciplinaire de linguistes et d’historiens. Trop de rubriques «
Sens inconnu
» laissent le lecteur insatisfait mais elles invitent aussi à la poursuite de ces recherches. Dans ce domaine comme dans d’autres, la science avance, il suffit de lire une ancienne étude toponymique pour s’en rendre compte.
On ne peut que souhaiter à toutes celles et ceux qui liront ces quelques fiches d’y trouver du plaisir. Qu’ils excusent les omissions, les imprécisions, les erreurs, les coquilles et les fautes d’interprétation qu’ils trouveront inévitablement ici ou là. I tyuât bïn di piaîji en tos nos ainmis patoisaints que yéraint ces p’tètes notices. I seu chûr qu’è y’en è qu’en saint pu qu’moi tchu les véyes noms d’nos fïns, d’nos bôs et pe d’nos crâts. I yos d’mainde d’echtiusaie les tras quaitre babouèyeries, crais-bïn mâçhaie d’aivo dou tras de ces mentes que grayenant – tius â-ce que n’le saît pe
? - les dgens qu’sont t’aivu ès écôles.
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{Bibliographie sommaire des références utilisées dans ce travail}
Glossaires de patois
Bietrix Antoine, Vocabulaire patois du Pays d’Ajoie, manuscrit, vers 1880
Glossaire des patois de la Suisse romande, Neuchâtel-Paris, Gauchat Louis et alii, 1924 et ss. Cette oeuvre en plusieur volumes est toujours en chantier.
Moine Jean-Marie, Glossaire du patois, Patois-français,
SJE, Porrentruy, 2003
Pierrehumbert William, Dictionnaire historique du parler neuchâtelois et romand, Neuchâtel, 1926.
Vatré Simon, Glossaire des patois de l’Ajoie et des régions avoisinantes,
SJE, Porrentruy (1947), 1986
Vautherin Louis, Glossaire du patois de Châtenois, avec vocables des autres localités du Territoire de Belfort et des environs, reprint Slatkine, Genève, (1896-1901), 1970.
Ouvrages de toponymie
Bossard Maurice, Chavan Jean-Pierre, Nos lieux-dits. Toponymie romande, Lausanne, 1990
Kristol Andres (dir.), Dictionnaire toponymique des communes suisses, Centre de dialectologie de l’Université de Neuchâtel, Lausanne, 2005.
Dictionnaire de vieux français
Godefroy Frédéric, Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes du
IXe au
XVe siècle, 10 vol., Paris, 1881-1902. Les références (volumes et pages) citées dans le travail présenté ici sont tirées de l’édition originale disponible sur internet.
Dictionnaires spécialisés
Besse Maria, Namenpaare an der Sprachgrenze, Beihefte zur Zeitschrift für romanische Philologie, Band 267, Max Niemeyer Verlag, Tübingen, 1997
Lachiver, Marcel, Dictionnaire du monde rural. Les mots du passé, Fayard, Paris, 1977
Morlet Marie-Thérèse, Les noms de personnes sur le territoire de l’ancienne Gaule du
VIe au
XIIe siècle. Tome
III : Les noms de personnes contenus dans les noms de lieux, Centre National de la Recherche Scientifique, Paris, 1986
Wartburg, Walther von, Französisches Etymologisches Wörterbuch,
XXV Bände, Tübingen, Basel, 1948-1997.
Vautherin Auguste.
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{Sources à consulter}
Charles de Roche, 1906 / thèse présentée à Zurich :
Les noms de lieu de la Vallée Moutier-Grandval, étude toponomastique
Voir le livre et tourner les pages
http://www.archive.org/stream/lesnomsdelieudel00roch#page/n3/mode/2up
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LEXILOGOS
Dans le précieux
LEXILOGOS, sous
Toponymie
Noms de
lieux de Suisse romande, Savoie et environs
Toponymie de Suisse romande et de Savoie
consulter les travaux de M.Suter
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Consulter le livre
Essai de Toponymie de Suisse romande
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Accès aux dictionnaires de
français ancien par Lexilogos
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Proposition de recherche sur un toponyme