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Par : Fleury LJ
Publié : 2 octobre 2011

Evolution du patois, Etienne Jolidon

---- {Etienne Jolidon livre ici ses réflexions et cite divers auteurs, Robert Jolidon, Pierre Henry. (sources suivront)} ---- {{Le patois}} Le patois a des racines celtes et latines. Après la Réforme, il a disparu plus rapidement dans les cantons protestants de Suisse romande. Dans les cantons catholiques, c’est suite à la Révolution française, puis à l’introduction de l’école obligatoire que la langue de nos ancêtres a connu des difficultés. Un retour en arrière nous rappelle qu’au Concile de Tours (en 813), à l’unanimité, les prélats décident que les sermons seront désormais prononcés en langue romaine rustique (le bas-latin de la soldatesque et des habitants des campagnes) ou en langue germanique afin que tout le monde comprenne ce qui est dit. Ce qui signifie qu’à cette époque déjà, le latin de la messe est à peu près aussi inaudible qu’aujourd’hui. Le latin continue toutefois à être la langue de l’administration de l’Empire et de la liturgie. C’est à cette époque que le roman, l’ancêtre du français, est né. Le latin vulgaire, contrairement au latin classique des villes, est parlé dans les campagnes. Les différents accents ont séparé les idiomes en trois régions : au nord de la Loire, avec Paris, la langue d’oïl (oïl voulait dire oui / mais ô, mains aye) ; au sud de la Loire/ Bordeaux, Toulouse, la langue d’oc (oui) et la région lyonnaise avec la Suisse romande le franco-provençal. Les différents accents et les diverses prononciations ont donné ces particularités. Un exemple : aqua (eau en latin), qui dérive en acve, ave dans notre patois ; ensuite eaue en vieux français et, pour finir, le mot eau qui s’est figé en français moderne. Le plus vieux document en francique connu dans le Jura date de 1244. Il s’agit d’une donation d’un pré entre Hugues de Buix et l’Abbaye de Bellelay. L’ordonnance de Villers-Cotterêts, promulgué en 1539 par François Ier, prescrivait tous les actes juridiques de Royaume en langue française. La langue du roi était en train de triompher. Pourtant, le patois, qui différait d’une région à l’autre, et même de village en village, continuait de rester bien vivace.La première grande lutte contre les patois fut la Révolution française. L’abbé Grégoire, évêque constitutionnel de Blois, fut député du clergé aux Etats généraux de 1789. Membre de l’Assemblée constituante, il fut chargé d’envoyer un questionnaire relatif au patois et aux mœurs des gens de la campagne. Il échangea même une correspondance avec le curé du Noirmont, Louis-François Zéphirin Copin. C’est ainsi que toute la France fut quadrillée et que les Révolutionnaires purent faire passer plus facilement leurs idées en éradiquant déjà une partie du patois. La deuxième grande offensive eut lieu au début du XXe siècle, suite à quelques ordonnances du canton de Berne – certains princes-évêques l’avaient déjà fait avant eux – où les instituteurs interdirent à leurs élèves de parler patois puisque certains de ceux-ci ne savaient pas le français à leur entrée en scolarité. Les parents prirent donc l’habitude de parler français à leurs enfants et c’est ainsi que disparut peu à peu le beau parler de nos pères. La modernisation de l’agriculture (comment traduire un tracteur ?), la radio (cte boîete és mentes), la télévision et récemment le langage jeune ont nivelé le peu qui restait. Mais il y a quand même des mainteneurs qui sont à féliciter pour le bon travail qu’ils font. Il ne s’est malheureusement pas trouvé un philologue qui règle cette question comme les Alsaciens l’ont fait, Les patoisants du cru avaient des idées trop absolues. Venons-en maintenant au Glossaires proprement dit. Il y a tout d’abord le Glossaire romand qui ne présente qu’un seul défaut : il n’en est qu’à la lettre F. Pour les glossaires jurassiens, le précurseur fut Fernand Raspieler, curé de Courroux. Il naquit à Saint-Ursanne en 1696. Notaire et ancien maire de Porrentruy, Jean-Georges Quiquerez, né en 1755, était le père de l’historien Auguste Quiquerez. Reprenant, en l’amplifiant, le texte de Raspieler, son manuscrit compte 99 pages. Le texte de François-Joseph Guélat compte 680 pages et se trouve au Fonds ancien de la Bibliothèque cantonale. La dernière partie est une sorte d’encyclopédie où l’on trouve de tout : depuis le nom des arbres aux secrets contre les maladies, en passant par les maximes et proverbes. Antoine Biétrix, célèbre pour sa lettre de Bonfol, est mort au début de ce siècle. Il a laissé à la Bibliothèque cantonale un gros cahier de 382 pages contenant environ 7000 mots. François Fridelance, né au milieu du XIXe siècle, nous a laissé 1200 fiches sur le patois de Charmoille. L’auteur de l’unique glossaire patois, à part celui récent de Jean-Marie Moine (20000 mots), qui ait été imprimé est celui de Simon Vatré. C’est le seul glossaire de la langue d’oïl de Suisse et demeure le dictionnaire de référence pour les patois du canton du Jura. A noter encore quelques ouvrages qui ne sont pas cités ici mais qui contribuent à enrichir nos idiomes locaux. Sans oublier aussi quelques patoisants célèbres qui ont écrit de belles pièces de théâtre, dont Djôsèt Barotchèt. On ne peut pas les nommer tous mais citons Pierre Henry qui a écrit de nombreux articles sur le « pailaie de nos véyes dgens » une étude Jean Joliat à Paris sur l’évolution phonétique de la langue : Ex : malum = mâ vallis = vâ ; bellus = bé ; agricola : paysan (agriculteur, agricole, agriculture) et tous les mainteneurs cherchent à rappeler ci véye langaidge à ceux qui le comprennent encore ou qui en savent quelques bribes et surtout qui le transmettent aux jeunes générations. Texte de Robert Jolidon