Par : Fleury LJ
Publié : 5 septembre 2011

Lai Lisette

Eric Matthey,

Une histoire écrite et racontée par Eric Matthey
Eric Matthey, Lisette, 110905
Eric Matthey, Lisette, 110905

Lai Lisette è les afaints

Le cïntçhe de mai 2000 Dains ïn p’tét v’laidge di Jura, d’ lai sen d’ lai Montaigne, è y aivait ènne rotte de gosses que, c’ment tos les afaints d’ lai tiere, f’sïnt, mafi, ïn pô des airtieulons ! Tchus les hâts di v’laidge, dains ènne éloignie fèrme, vétçhïnt ïn tot bon paiyisain, l’ Fritz, è pe sai fanne, lai Rösi (Ç’ ât dïnche qu’ nôs les v’lans aipp’laie poch’que craibïn qu’ yun vou l’ âtre ât encoé vétçhaint che ç’ n’ ât p’ les dous.). Lu, ç’ ètait yun des moiyous éy’vous de tchvâs è pe d’ roudges bétes di dichtrict, lée, ç’ était ènne maîtrâsse fanne en l’ hôtâ, â dgeurnie pe â tieutchi. Ç’ était des teûfèts que n’ djâsïnt quasi piepe ïn mot d’ français bïn qu’ ès feuchïnt tos les dous tchois â monde dains ci coénnat d’ note Jura. Tchie yôs an aivait aidé all’moûessè, pe èls étïnt aivu en l’ all’moûess écôle ! Aidonc, tchétçhe s’nainne, le vardi lai vâprèe, l’ Fritz v’niait en lai « coopé », â v’laidge, po aitch’taie ç’ qu’ è fayait pou l’ ménaidge. Sai fanne yi graiy’nait ïn biat pou qu’ è n’ rébieuche ran. Lu, èl emboérlait pe aippiaiyait lai Lisette, ènne boinne djement d’ lai Montaigne, en ïn tchairat. Airrivè â v’laidge, èl ècmençait poi faire ses aitchaits, pe èl aittaitchait sai djement d’vaint l’ caibairèt di Tchvâ Bianc po allaie boire ïn tchâvé obïn quéques roquèyes (roquèye : en fr. rég. roquille, ancienne mesure de capacité valant le quart du setier, soit 12 cl environ ; voir Dictionnaire du monde rural) de dichtillèe. È fât dire qu’ le Fritz, che ç’ n’ était p’ ïn treûyou, èl ainmait bïn boire son p’tét côp. È pe, l’ vardi, ç’ était son djoué d’ condgie ! Dâli, les afaints di yûe qu’ coégnéchïnt bïn ses aivéges, détaitchïnt le tchvâ, graipoinnïnt trétus tchus l’ tchairat è, hiu Lisette ! Ès paitchïnt faire ènne virie poi les vies, envirvô di v’laidge. Mains tiaind qu’ ès r’venyïnt, ces tchairvôtes de gosses raittaitchïnt lai béte nian p’ d’vaint le Tchvâ Bianc, mains d’vaint l’ Buffet d’ lai dyaire. Not’ Fritz, en soûetchaint di Tchvâ Bianc, n’ voyaint p’ son aipiaiyaidge laivoù qu’ è l’ aivait léchie, s’ en allait ïn pô d’ câre, djainqu’ â Buffet po le r’trovaie. Mains li, bïn chur, è se n’ poéyait p’ envoidgeaie d’ entraie è d’ boire encoé quéques varres ! Aidonc, les nitçhous qu’ s’ étïnt coitchies détaitchïnt encoé ïn côp ç’te Lisette po lai raimoinnaie d’vaint l’ Tchvâ Bianc laivoù qu’ le Fritz lai daivait r’allaie tçh’ri. È hop, encoé ènne obïn doûs gottes en péssaint, ç’ qu’ è fât po qu’ è feuche tot noi vés lai fïn d’ lai vâprèe. Ç’ ât l’ caibair’tie qu’ le daivait tchairdgie de foûeche chus son tchairat. Pe è fotait ènne boinne taleutche tchus l’ tiu d’ lai djement qu’ raimoinnait tot bal’ment l’ paiyisain d’aivô sai tieûte en l’ hôtâ. I vôs peus dire qu’ lai Rösi n’ preniait p’ ènne douçatte voix po r’cidre son hanne. Ç’ ât encoé lée qu’ daivait désemboérlaie le tchvâ è pe faire tot l’ ôvraidge en l’ étâle. L’ vardi soi, è y aivait di traiyïn en lai fèrme ! Eric Matthey

La Lisette et les enfants

(Souvenirs d’un galopin) Dans un petit village du Jura, du côté des Franches-Montagnes, il y avait une bande de gosses qui, comme tous les enfants de la terre, faisaient des sottises ! Sur les hauts du village, dans une ferme éloignée, vivaient un tout bon paysan, le Fritz, et sa femme, la Rösi (c’est ainsi que je les appellerai…). Lui, c’était un des meilleurs éleveurs de chevaux et de bovins du district. Elle, c’était une maîtresse femme au foyer, à la basse-cour et au jardin. C’étaient des anabaptistes qui ne parlaient presque pas un mot de français bien qu’ils fussent tous les deux nés dans ce coin de notre Jura. Chez eux on avait toujours parlé le suisse-allemand et ils avaient suivi l’école allemande. Donc, chaque semaine, le vendredi après-midi, le Fritz descendait au village, à la « coopé », pour acheter ce qu’il fallait pour le ménage. Sa femme lui écrivait un billet afin qu’il n’oublie rien. Lui, il harnachait et attelait la Lisette, une bonne jument des Franches-Montagnes, à une charrette. Arrivé au village, il commençait par faire ses achats, puis il attachait sa jument devant le restaurant du Cheval-Blanc pour aller boire un pichet ou quelques roquilles de goutte. Il faut dire que si le Fritz, n’était pas un ivrogne, il aimait bien boire son petit coup. Et puis, le vendredi était son jour de congé ! Alors les enfants du lieu, qui connaissaient bien les habitudes du paysan, détachaient le cheval, grimpaient sur la charrette et « hue Lisette ! ». Ils partaient faire une virée par les chemins alentour du village. Mais, lorsqu’ils revenaient, ces charognes de gosses rattachaient la bête non pas devant le Cheval Blanc, mais devant le Café de la Gare. Notre Fritz, sortant du Cheval Blanc et ne voyant pas son attelage où il l’avait laissé, s’en allait en marchant un peu de travers jusqu’au Buffet pour le retrouver. Mains là, bien sûr qu’il ne pouvait s’empêcher d’entrer pour boire encore quelques verres ! Alors les morveux, qui s’étaient cachés, détachaient encore une fois la Lisette pour la ramener devant le Cheval Blanc où le Fritz devait retourner la chercher. Et hop, encore une ou deux petites gouttes en passant, ce qui fait que notre homme était tout noir vers la fin de l’après-midi. C’est l’aubergiste qui devait le charger de force sur sa charrette. Puis il flanquait une bonne taloche sur le cul de la jument qui ramenait tout gentiment son maître à la maison. Je peux vous dire que la Rösi ne prenait pas une douce voix pour recevoir son homme. C’est elle encore qui devait déharnacher le cheval et faire tout l’ouvrage à l’écurie. Le vendredi soir il y avait de l’ambiance à la ferme !