Par : Fleury LJ
Publié : 5 septembre 2011

Lai Tchâlée, déblayer la neige

Jean-Marie Moine, Arc Hebdo décembre 2016

Ouvrir les chemins, déblayer la neige
JM Moine, lai tchâlée, 110905
JM Moine, lai tchâlée, 110905

Lai tchâlèe

L’ huvie, i crais qu’ tus ces qu’ d’moérant en lai montaigne pe qu’ se daint dépiaicie l’ maitïn po allaie â traivaiye, faint c’ment moi , ès vaint en lai f’nétre, po voûere che d’ lai noi ât tchoi di temps d’ lai neût. È fât dire que d’ nôs djoués, d’ aivô les moiyïns qu’ an ont, ç’ n’ ât quasi pus ran d’ tchâlaie. È n’y é ran qu’ è voûere péssaie ces grôs camions d’ aivô ènne pajainne laime de fie d’vaint, que r’boussant des valmons d’ noi d’ ènne sen ! Aich’tôt dit, aich’tôt fait. An se d’mainde che tot ât aivu aidé âch’ soîe qu’ adjed’heû. I m’ muse en nôs ancétres, qu’ daivïnt, è y é des siecles, vétçhie d’ grants l’ huvies, pe qu’ n’ aivïnt qu’ yôs brais pe yote v’lantè po yuttie contre l’ entraipe qu’ ât aidé aivu lai noi. Bïn chur qu’ ès n’ regu’nïnt p’ c’ment nôs, qu’ ès n’ aivïnt p’ de dyïmbardes. Èls allïnt è pie, pe d’moérïnt en l’ hôtâ tiaind qu’ an n’ airait p’ botè ïn tchïn d’feûs. Mains tot d’ meinme, lai noi les daivait dgeinnaie prou s’vent. I gaidge qu’ en premie, èls aint ïnventè lai pâle po poétchaie lai noi, pe le r’vâle qu’ é daivu cheûdre prou tôt : an n’ ont p’ tot d’ meinme taint d’ mâ po boussaie âtçhe qu’ po l’ poétchaie. Pus prés d’ nôs, i m’ raivise d’ lai tchâlèe en Aîdjoûe è y é ïn pô pus d’ cïnquante ans. Vôs m’ dirèz qu’ tchie les Aîdjôlats, è n’y é p’ de noi. Vôs èz réjon, i seus d’ aiccoûe d’aivô vôs. Mains vôs saîtes, è nôs encrâchait, en nôs les afaints, d’ n’ en aivoi p’ de pus. Les dous obïn les trâs s’nainnes d’ l’ annèe qu’ è y aivait d’ lai noi en Aîdjoûe, les paiyisains qu’ aivïnt montè lai tchâlèe daivïnt eûvri les tch’mïns di v’laidge. I les vois encoé. Èls aipiaiyïnt dous, trâs, ..., djainqu’ è ché tchvâs és marcons raiponjus â créchi, d’vaint l’ tchâlou. Ïn hanne t’niait les dyides pe lai rieme po aitieudre les bétes. L’ tchâlou aivait lai frome d’ ïn trâs l’ anyes, d’aivô dous grôs piaitons qu’ s’ éleuchïnt en d’rie poi ïn grôs tirain : l’ étchairâsse. L’ tot t’niait ensoinne poi des pâmèlles pe poi d’ pâjaints breutchèts en fie. D’ tchétçhe sen, dous âtres l’ hannes t’niïnt des échpèches d’ éparons po dyidie le d’rie di tchâlou. Tos les tch’mïns daivïnt étre eûvies djainqu’ ch’ lai fïn. Aiprés, c’était â véjïn v’laidge d’ émondure ci traivaiye. I crais bïn qu’ les paiyisains qu’ tchâlïnt airïnt bïn v’lu aivoi d’ pus grants l’ huvies, pochque tiaind qu’ ès se r’trovïnt, ès s’ raiccontïnt des loûenes pe boiyïnt ensoinne quéques boinnes gottes po s’ rétchâdaie ! Pe, tiaind qu’ d’ ïn v’laidge en l’ âtre, ènne vie n’ était ran eûvie qu’ en yun des dous bouts, c’ était ènne tote boinne aiffaire po l’ Rai-Tiai-Tiai d’ lai cheûyainne annèe ! J-M. Moine

Le déblaiement de la neige

L’hiver, je crois que tous ceux qui habitent à la montagne et qui doivent se déplacer le matin pour aller travailler font comme moi, ils vont à la fenêtre pour voir si de la neige est tombée pendant la nuit. Il faut dire que de nos jours, avec les moyens dont nous disposons, ce n’est presque plus un problème de déblayer la neige. Il n’y a qu’à voir passer ces grands camions munis à l’avant d’une lame en fer, qui repoussent des tas de neige de chaque côté ! Aussitôt dit, aussitôt fait. On se demande si tout a toujours été aussi facile. Je songe à nos ancêtres qui devaient, il y a des siècles, vivre de longs hivers et qui n’avaient que leurs bras et leur volonté pour lutter contre cet embarras qu’a toujours été la neige. Certes ils ne se déplaçaient pas comme nous, ils n’avaient pas d’automobiles. Ils allaient à pied, et restaient à la maison lorsque les conditions étaient telles qu’on n’aurait pas mis un chien dehors. Cependant, la neige devait assez souvent leur causer des désagréments. Je parie, qu’en premier ils ont inventé la pelle pour transporter la neige, puis un peu plus tard le racloir : on a moins de mal à pousser quelque chose qu’à le porter. Plus près de nous, je me souviens du déblaiement de la neige en Ajoie il y a un peu plus de cinquante ans. Vous me direz que chez les Ajoulots il n’y a pas de neige. Vous avez raison, je suis d’accord avec vous. Toutefois vous savez, nous, enfants, nous regrettions de ne pas en avoir plus. Les deux ou trois semaines de l’année pendant lesquelles il y avait de la neige en Ajoie, les paysans qui s’étaient vus adjuger le déblaiement de la neige devaient ouvrir les chemins du village. Je les vois encore. Ils attelaient deux, trois, ..., jusqu’à six chevaux aux petits palonniers rattachés au grand palonnier, devant le chasse-neige. Un homme tenait les guides et le fouet pour faire avancer les bêtes. Le chasse-neige avait la forme d’un triangle, avec deux grands madriers qui s’écartaient en arrière sous l’effet d’une forte poutre : l’épart. Le tout était maintenu ensemble avec des paumelles et des pesantes broches en fer. De chaque côté, deux hommes tenaient des espèces d’affranches pour guider l’arrière du chasse-neige. Tous les chemins devaient être ouverts jusque sur la fin (limite entre les territoires de deux communes). Ensuite, c’était au village voisin de poursuivre le travail. Je crois bien que les paysans qui déblayaient la neige auraient aimé avoir des hivers plus longs, car lorsqu’ils se retrouvaient, ils se racontaient des histoires pour rire et buvaient ensemble de bonnes gouttes pour se réchauffer. Et, lorsque d’un village à l’autre, une route n’était ouverte qu’à un bout, c’était une toute bonne affaire pour le Rai-Tiai-Tiai de l’année suivante !