Publié dans le Quotidien Jurassien le 18 juin 2021
Le saidge
Ç’ n’était p’ïn èrmitre, èl aivait fanne èt afaints, des grôs l’afaints qu’étïnt dj’ mairiès èt qu’aivïnt en leur touè des afaints. È n’ vétyait p’ dains ènne bâme, è n’ péssait p’ ses djouénès è dgenonyes. Èl aivait ènne mâjon, ïn bon métie. C’était ïn grant saidge. An v’nyait de tot poitchot po l’ conchultaie. Èl était toudge de bon consèye. Le Saidge, qu’an yi dyait.
Ïn djûene hanne qu’était és étudyes èt que n’ saivait p’ s’è d’vait s’ mairiaie o bïn s’ faire tyurie caque en sai poûetche.
- Entre pie
! Vïns â poiye, nôs s’rons meus po djâsaie.
- Le Saidge, i seus v’ni vôs posaie ènne quèchtion que me troubye.
- Djase
! I t’écoute.
- Voili. Qu’ât-ce qu’è fât po éprovaie le vrai bonhèye
?
- Po éprovaie le bonhèye, ïn hanne dait aivoi dous tchoses : lai bontè èt lai pietè.
En ci môment-li, lai fanne di Saidge entre dains le poiye.
- Hé, Le Saidge, qu’èlle dit, s’ te vais â v’laidge, te raippoétch’és di pain. Nôs n’en ains pus.
Le Saidge s’eurtouène vé ci djûene hanne :
- I t’ai dit dous tchoses, lai bontè et lai pietè. I en aidjoute ènne trâjieme : le pain. È n’ fât djemais rébyaie le pain.
Noe
lai pietè, la piété
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Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis
Le sage
Il n’était pas ermite, il avait femme et enfants, de grands enfants d’ailleurs, qui étaient déjà mariés et qui avaient eux-mêmes des enfants. Il ne vivait pas dans une grotte, il ne passait pas ses journées à genoux. Il avait une maison, un bon métier. C’était un grand sage. On venait de partout pour le consulter. Il était toujours de bon conseil. On le surnommait Le Sage.
Un jeune homme toujours aux études, et qui hésitait entre se marier et se faire curé, frappe à sa porte.
- Entre donc
! Viens au salon. Nous serons plus à l’aise pour discuter.
- Le Sage, je suis venu vous poser une question qui me trouble.
- Parle
! Je t’écoute.
- Voilà. Qu’est-ce qu’il faut pour éprouver le vrai bonheur
?
- Pour éprouver le vrai bonheur, un homme doit avoir deux choses : la bonté et la piété.
- À ce moment, la femme du Sage entre dans le salon et lui dit :
- Hé, Le Sage, si tu vas au village, tu rapporteras du pain. On n’en a plus.
Le Sage se tourne vers le jeune homme :
- Je t’ai dit deux choses, la bonté et la piété. J’en ajoute une troisième : le pain. Il ne faut jamais oublier le pain.
Note
lai pietè, la piété