Publié : 15 janvier 2021

De la goutte aux enfants

D’lai gotte és afaints

Bernard Chapuis

Publié dans le Quotidien Jurassien le 15 janvier 2021

D’lai gotte és afaints

Tiaind qu’ le blantchie entré dains lai tieujènne, èls étïnt è tâle, le pére en ïn bout, les afaints tot atoé. Lai mére tçhaiss’nait â foénat. Lai botoiye de gottte était chu lai tâle. - T’en veus, blantchie ? - En t’eur’méçhiaint. I n’ai p’ fini mai touénèe. Le père s’en ât voichi ïn bon voirre. - En tai saintè, blantchie ! - Saintè, mairtchâ. Peus èl en é voichi ïn d’mé-voirre en son grôs boûebe de tyïnze ans. - Te n’ crais pe qu’èl ât ïn pô djûene po boire lai gotte, mairtchâ ? - Çoli n’ peut p’yi faire de toûe. Èl é fâte de foûeche po m’aidie en lai foûerdge, dains l’ bôs, és tchaimps, en l’étâle. Ç’ât lu que s’ottyupe des vés. - Yè bïn, djeutement, dit l’ blantchie, t’en bèy’rôs, en tes vés ? - T’és fô ? Ès crev’rïnt. Note tçhaiss’nait â foénat, s’affairait au fourneau, maniait les casseroles. Lai tçhaisse, la casserole. ---- Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis

De la goutte aux enfants

Quand le boulanger entra dans la cuisine, ils étaient à table, le père à un bout, les sept enfants répartis autour. La mère s’affairait au fourneau. La bouteille de goutte trônait au milieu de la table. - Tu en veux, boulanger ? - Non, merci. Je n’ai pas fini ma tournée. Le père s’en versa un bon verre. - À ta santé, boulanger ! - Santé, maréchal ! Puis le maréchal en remplit un demi-verre pour son fils de quinze ans. - Tu ne crois pas qu’il est un peu jeune pour boire de la goutte, maréchal ? - Ça ne peut pas lui faire de tort. Il a besoin de force pour m’aider à la forge, dans la forêt, dans les champs, à l’étable. C’est lui qui s’occupe des veaux. - Eh bien, justement, dit le boulanger, tu en donnerais à tes veaux ? - Tu es fou ? Ils crèveraient.