Publié : 31 janvier 2020

Du tout bon fumier

Di tot bon femie

Bernard Chapuis

Publié dans le Quotidien Jurassien le 31 janvier 2020

Di tot bon femie

Tot en tchairdgeaint son tchairat d’ femie, le Lolèt se dyait : « I n’ veus p’ en aivoi prou. Oh, i n’ veus p’ manquaie de brament, mains ç’ât chûr qu’i n’ veus p’en aivoi prou. » È yi faiyait encoé femaie ïn p’tèt quart Ch’lai Foérêt èt peus dous djouénâs en l’Aidyaisse. Poi d’chu ses breliçhes, è beûyait le gros femie d’ l’Albért. Lu en aivait è r’vendre, èt peus di bé. Ès s’entendïnt bïn tos les dous. L’Albért soûetchait djeutement d’ l’étâle. È l’aipplé : - Dis-voûere, Albért, te n’ m’en vendrôs pe de ton femie ? - Bïn v’lantie. Prends ç’ qu’è t’ fât. Nôs se v’lans bïn chiquaie. Dïnche feut fait.Tot en retchairdgeaint son tchairat d’aivô le femie di véjïn, le Lolèt se dyait : « Ç’ât vrâment di tot bon femie, moyou qu’ le mïnne. » Èl en épandé Ch’lai Foérêt, en l’Aidyaisse, en S’mencé, chu ses euches, èt meinme chu l’ tçhetchi d’vaint l’hôtâ. Le soi, en lai frut’rie, è r’trové çt’Albért : - I seus content. Te m’és vendu di tot bon femie. Èt l’Albért, qu’ât ïn coéy’nou : - Qu’ât-ce te crais ? Qu’i t’aî vendu d’ lai miedge ? Notes Lolèt, diminutif de Féréole ïn quart (de djouénâ), un quart de journal, soit 8 ares Ch’lai Foérêt, en l’Aidyaisse, en S’mencé, lieux-dits en Ajoie Les eutches sont des jardins en plein champ, par opposition au tçhetchi, jardin potager proche de l’habitation. ---- Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis

Du tout bon fumier

Tout en chargeant son petit char de fumier, Féréol se disait : « Je n’en aurai jamais assez. Oh, il ne m’en manquera pas beaucoup, mais c’est clair, je n’en aurai pas assez. » Il devait encore en répandre sur huit ares au lieu-dit Sur la Forêt et sur deux journaux en l’Agasse. Par-dessus ses lunettes, il lorgnait l’imposant fumier de son voisin Albert. Lui en avait à revendre, et de qualité. Ils s’entendaient bien tous les deux. Albert sortait à l’instant de l’écurie. Il l’appela : - Dis donc, Albert, tu ne m’en vendrais pas de ton fumier ? - Très volontiers. Prends ce qu’il te faut. On s’arrangera. Ainsi fut fait.Tout en rechargeant son petit char avec le fumier du voisin, Féréol répétait : « C’est vraiment du tout bon fumier, meilleur que le mien. » Il en épandit Sur la Forêt, en l’Agasse, en Semencé, sur ses jardins en pleine terre et même sur le potager. Le soir, à la laiterie, il retrouva son voisin Albert : - Je suis content. Tu m’as vendu du tout bon fumier. Et Albert de plaisanter : - Qu’est-ce que tu crois ? Que je t’ai vendu de la merde ?