Publié : 18 avril 2019

Le corbeau

Le cra

Jean-Marie Moine, Arc Hebdo avril 2019

Le cra

Tos les maitïns, i raivoéte, en contrebéche de mai f’nétre, ç’te fuatte, chus laiqué, ènne mièle, ènne aidiaiche pe ïn cra s’déchputant l’ drèt d’ se piaicie tot enson, en lai moiyou piaice ! Meinme che lai mièle é ïn méyoudiou tchaint, che l’aidiaiche laince son rautçhe breuyèt à y’vè di s’râye, ç’ ât bïn chur le cra qu’ les tcheusse de ç’te reiyâ piaice. Tot sïmpyement, è cheût lai naiturâ lei di pus foûe ! N’en dépiaîje en tus ces qu’ se mujant qu’ le cra ât ènne peute béte ; ât-ç’ qu’ an n’ tréte pe d’ cra ç’tu qu se coitche d’rie l’ ainannymat po faire totes les croûey’tès en son preutchein ? Mains l’ cra n’ ât p’ ran qu’ ènne croûeye béte. Tiaind qu’ i d’moérôs d’ l’ âtre sen d’ lai vèlle, è y aivait dains ci coénat, ïn afaint qu’ l’ aimi était ïn bé grôs noi cra. È fayait voûere ci p’tét Dgeoûerdges d’ ènne diejainne d’ annèes tot â pus, djûere daivô ç’t’ oûejé. L’ Dgeoûerdges çhaittait ci cra qu’ se toûejait d’ totes les sens po meu senti lai douçou des brais d’ son aimi. Tiaind qu’ les dous s’ poérmenïnt è vélo dains lai vie, le p’tét Dgeourdges frâtait è grôsse laincie, daivô l’ oûejé djetchie chus l’ poétche-baigaidges. Che l’ afaint s’ dépiaiçait è pie, é botait son oûejé chus sai téte… Ç’t’ oûejé s’ compoétchait ïn pô c’ment qu’ ïn tchïn. È s’ envoulait raibein’ment po allaie tçhri dains son bac ïn oubjècte qu’ son « maître » aivait tchaimpè, pe l’ yi raimoinnait tot aitaint raibein’ment. Enfïn ès fra-mïnt ç’ qu’ an aippele âdjd’heû, ïn ïnsépoirâbye binôme d’aimitie. È fât dire âchi, qu’ le cra n’ ât p’ ç’tu qu’ métraîye aidé, ç’ n’ ât p’ aidé l’ pus foûe. È y aivait en Lai Tchâ-d’Fonds, vés lai dyaire, en l’ aiv’nue Léopold-Robert, d’ lai sen di Loûeçhe, chus lai premiere grôsse mâjon di paîtè d’ emmoitrèes mâjons, ènne grôsse aîye qu’ dépyèyait reiyâment ses metiroujes âles. È bïn, vôs m’ peutes craire, i aî ch’vent vu des cras s’ aippreutchie de ç’t’ épaivurainne béte, mains dj’mais yun d’ yôs n’ é oûejè s’ pôjaie chus lée. È y’ é yun obïn dous l’ans, an ont dégréyie ç’t’ aîye. È fât voûere mit’naint des évoulèes d’ cras s’ baittre po poéyait reingnie en maître chus l’ bout d’ pitçhe que d’moére. N’ rébians p’ de dire dous mots â chudjèt des « Cras », les dmoéraints di bé v’laidge d’ Alle. I n’ sais p’ dâs laivoù qu’ vïnt ci sobritçhèt : ç’ ât craibïn pochqu’ an tiultive brâment d’ graim’nèes dains lai grante piaîne qu’ entoére ci v’laidge, pe qu’ les cras ainmant çoli ! En tot câs, les dgens d’ Alle qu’i coégnâs aisseinté-chant tus bïn di piaîji tiaind qu’i m’ aidrasse en yôs en diaint : « Bondjoué les Cras » ! J-M. Moine

Le corbeau

Tous les matins, je regarde, en contrebas de ma fenêtre, cet épicéa sur lequel un merle, une pie et un corbeau se disputent le droit de se placer tout en haut, à la meilleure place ! Même si le merle a un chant mélodieux, si la pie lance son cri rauque au lever du soleil, c’est bien sûr le corbeau qui les chasse de cette place royale. Tout simplement, il suit la loi naturelle du plus fort ! N’en déplaise à tous ceux qui pensent que le corbeau est une vilaine bête ; ne traite-t-on pas de corbeau celui qui se cache derrière l’anonymat pour faire toutes sortes de méchancetés à son prochain ? Mais le corbeau n’est pas seulement une mauvaise bête. Quand j’habitais de l’autre côté de la ville, il y avait dans ce quartier, un enfant dont l’ami était un grand corbeau noir. Il fallait voir ce petit Georges d’une dizaine d’années tout au plus, jouer avec cet oiseau. Georges flattait ce corbeau qui se tordait de tous les côtés pour mieux sentir la douceur des bras de son ami. Lorsque les deux se promenait à vélo dans la rue, le petit Georges pédalait à toute vitesse, avec l’oiseau juché sur le porte-bagages. Si l’enfant se déplaçait à pied, il mettait l’oiseau sur sa tête… Cet oiseau se comportait un peu comme un chien. Il s’envolait rapidement pour aller chercher, dans son bec, un objet que son « maître » avait lancé, pour le lui ramener aussi rapidement. Enfin, ils formaient ce qu’on appelle aujourd’hui un inséparable binôme d’amitié. Il faut dire aussi que le corbeau n’est pas toujours le maître, celui qui est toujours le plus fort. Il y avait à La Chaux-de-Fonds, près de la gare, à l’avenue Léopold-Robert, dans le sens du Locle, sur la première grande maison du pâté de maisons mitoyennes, un gros aigle qui déployait royalement ses immenses ailes. Eh bien, vous pouvez me croire, j’ai souvent vu des corbeaux s’approcher de cet épouvantable animal, mais jamais aucun d’eux n’a osé se poser sur lui. Il y a un ou deux ans, on a déquillé cet aigle. Il faut voir maintenant des envolées de corbeaux se battre pour régner en maître sur le bout de pique qui reste. N’oublions pas de dire deux mots au sujet des « Corbeaux », les habitants du beau village d’Alle. Je ne sais pas d’où vient ce sobriquet : c’est peut-être parce qu’on cultive beaucoup de graminées dans la grande plaine qui entoure ce village, et que les corbeaux aiment ça ! En tout cas, les gens d’Alle que je connais éprouvent tous bien du plaisir quand je m’adresse à eux en disant : « Bonjour les Corbeaux » ! J.-M. Moine