Publié : 7 décembre 2018

Ces pauvres gens

Ces poûeres dgens

Publié dans le Quotidien Jurassien le 7 décembre 2018

Ces poûeres dgens

Ç’ât dous nitious que djuant ch’ lai piaice de l’écôle. Sôles de djûere, ès s’ sietant chu ïn bainc èt s’ botant è djâsaie. Ès s’ raicontant ç’ qu’èls aint vu en lai laivimaidge. -- T’és vu l’hichtoire d’Alice, çte baîch’natte qu’ât tchoé dains ïn terrie de yievre èt que se r’trove â Paiyis des Merveilles ? -- Nian, ç’ât po les baîchattes. Èt peus toi, t’és vu « Les Trâs p’tèts Poûes » ? -- Nian, ç’ât po les tot p’tèts l’afaints. Moi, i raivoéte « Le Noi Roncïn ». T’ai dj’ raivoétè « Tchie de Dgerènne » ? -- Nian, çoli fai trop pavou. Èt peus aiprés, i n’ sairôs m’endremi. Mes riere-grants-poirents, éh bïn, ès n’aivïnt ne boéte que djâse ne laivimaidge. -- Râte, te m’ raicontes des mentes. Èt peus, tiu ât-ce que t’ l’é dit ? -- Ç’ât mon pére, ç’ n’ât p’ïn mentou. -- Pe de laivimaidge… -- Te peus m’ craire. -- Mains ès daivïnt bïn aivoi â moins ïn ord’natou. -- Nian. -- Ïn portabye. -- Encoé moins. -- Mains, c’ment qu’ès poéyïnt vivre sains laivimaidge ? -- Yé bïn, djeut’ment. Ès n’aint p’ suppoétchè. Ès sont moûes tos les dous. Notes lai laivimaidge, la télévision. Néologisme forgé à partir de laivi, loin, et de imaidge, image. Lai boéte que djâse, la boîte qui parle, autre néologisme pour désigner la radio. ---- Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis

Ces pauvres gens

Ce sont deux gamins qui jouent sur la place de l’école. Fatigués de jouer, ils s’asseyent sur un banc et entament la discussion. Ils se racontent ce qu’ils ont vu à la télévision. -- Tu as vu l’histoire d’Alice, cette petite fille qui tombe dans un terrier de lapin et qui se retrouve au Pays des Merveilles ? -- Non, ça, c’est pour les filles. Et toi, tu as vu « Les Trois petits Cochons » ? -- Non, ça, c’est pour les tout-petits. Moi, je regarde « L’Étalon noir ». Tu as déjà regardé « Chair de poule » ? -- Non, ça fait trop peur. Après, je n’arriverais pas à m’endormir. Mes arrière-grands-parents, eh bien, ils n’avaient ni radio ni télévision. -- Arrête, tu me racontes des histoires. Et d’ailleurs, qui te l’a dit ? -- C’est mon père, ce n’est pas un menteur. -- Pas de télévision… -- Tu peux me croire. -- Mais ils devaient bien avoir au moins un ordinateur. -- Non. -- Un portable. -- Encore moins. -- Mais, comment est-ce qu’ils pouvaient vivre sans télévision ? -- Eh bien, justement. Ils n’ont pas supporté. Ils sont morts tous les deux.