Publié dans le Quotidien Jurassien le 4 mai 2018
Lai fôle de l’ébrâyou
È y aivait â v’laidge ïn ébrayou laivou qu’ les échaipouses allïnt ébrâyie lai bue. Tiu que s’ sovïnt encoé ço qu’ c’était lai bue dains l’ temps
? È faiyait botaie d’ l’âve ch’ le fûe, voichaie lai ceindre, y piondgie le lïndge è faire ènne tyeûte. Çoli d’vait bruâtre ïn bon bout d’ temps. Aiprès, è faiyait botaie le lïndge dains ènne boy’vatte èt l’ condûre â réchâvou po l’ébrayie ch’ lai baittoûere. Les fannes que se r’trovïnt en l’ébrayou aivïnt bïn di mâ, mains bïn di piaiji âchi, poéche qu’èlles en profitïnt po baidg’laie.
È y aivait â v’laidge ïn tiûrie en lai véye môde. Èl était è tch’vâ ch’ lai morâle. È n’ suppoétchait pe l’aivoûetre, chutot tchie les fannes. «
Oûeyiet’s-me, qu’è dyait en tutes, ne v’nites pus m’ dire qu’ vôs èz trompè vot’ hanne. Çoli, i n’ peus pus l’oûeyi. Se çoli s’ produt, dit’s-me sïmpyement : I seus tchoé dains l’ bené. I veus dj’ bïn compâre èt peus i vôs bèy’raî l’aibsolution.
»
Vïnt le djoué qu’ le véye tiûerie ât paitchi en r’tréte èt feut rempiâchie po ïn nové prétre. C’était ïn bél hanne èt qu’aivait di tchairme. Les fannes, que v’lïnt l’ voûere de prés è traivérs lai gréye de lai boéte és mentes, s’ dépâtchïnt d’allaie s’ conféssaie. Èt tutes dgétçhïnt lai meinme fâte : «
Pére, i seus tchoé dains l’ bené.
»
Le nové tiûerie s’en vïnt trovaie l’ maire : «
Çoli n’ sairait durie. Totes ces fannes que tchoéyant dains l’ bené. En vot’ piaice, i le f’rôs è r’chiquaie.
»
-- Oh bïn, que dit l’ mére, çoli peut aittendre. È n’y é encoé dj’mais aivu d’ moûes.
-- È fât faire âtye, qu’i vôs dis. Vôt’ fanne y ât tchoé, trâs côps çte snainne.
Note
l’ébrayou, le lavoir
le réchâvou, le rinçoir
échaipouse, femme qui lave le linge
dgétçhi, avouer
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Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis
Le dit du lavoir
Il y avait au village un lavoir où les lavandières allaient rincer le linge. Qui se souvient encore des lessives d’autrefois
? Il fallait faire bouillir l’eau, y verser la cendre, y plonger le linge et maintenir à ébullition pendant longtemps. Puis on chargeait le linge dans une brouette pour le conduire au rinçoir et le frotter sur le battoir. Les femmes qui se retrouvaient avaient certes bien du mal, mais aussi bien du plaisir. C’était l’occasion de bavarder.
Il y avait au village un curé à l’ancienne très à cheval sur la morale. Il avait l’adultère en horreur. «
Écoutez-moi, disait-il à toutes ses pénitentes, ne venez plus plus me dire que vous avez trompé votre mari. Je ne peux plus l’entendre. Si cela vous arrive, dites-moi simplement : Je suis tombée dans la fontaine. Je comprendrai et vous donnerai sans autre l’absolution.
»
Vint le jour où le vieux prêtre partit en retraire et fut remplacé. Le nouveau curé était un bel homme et qui avait du charme. Les femmes se ruèrent au confessionnal pour l’observer de près à travers le grillage. Toutes avouaient la même faute : «
Mon Père, je suis tombée dans la fontaine.
»
Le nouveau curé s’en fut trouver le maire :«
Cela ne peut durer. Toutes ces femmes qui tombent dans la fontaine. A votre place, ce lavoir, je le ferais remettre en état sans tarder.
»
-- Oh, dit le maire, rien ne presse. Il n’y a encore jamais eu de morts.
- Il faut faire quelque chose. Votre femme, par exemple, y est tombée trois fois cette semaine.