Publié : 6 octobre 2017

Des messes bon marché

Des mâsses bon mairtchie

Bernard Chapuis

Publié dans le Quotidien Jurassien le 6 octobre 2017

Des mâsses bon mairtchie

Le pére Ulysse ât tot â bout. Le tiurie yi é bèyie les dries saicrements. È râle que çoli fait pidie. Sai fanne ât sietèe â long èt yi pésse ènne move laivatte ch’ le front. -- Fanne, pyaint-é, i n’seus p’aidé aivu dgenti d’avô toi. Te m’ poidgennes ? -- Ç’ât dj’ poidg’nè, Ulysse. Ç’ n’ât pus l’ moment d’ le raipp’laie. Moi non pus, i n’ seus p’ aidé aivu dgentie d’aivô toi. -- Fanne, te m’ bott’rés ch’ lai tombe de mes poirents. -- Ç’ât dj’ tot en oûedre, Ulysse. Ne t’ fais pe de tieusain. Te peus paitchi en paix. -- Fanne ? -- Qu’ât-ce qu’è y é encoé ? -- Tiaind qu’i n’seré pus, te pârés lai pus bèlle vaitche de l’étâle èt t’adrés lai vendre en lai foire de Poérreintru. T’en veus tirie crais bïn cïntye cents francs. D’aivô ces sôs, te f’rés dire des mâsses. I en aî bïn fâte. En çtu qu’ t“aitchet”ré not’ vaitche, te yi bèy’rés en pus çte véye tchievre que n’ vât pus ran. È t’ fât lai décombraie. L’Ulysse moûe, lai fanne s’en feut en lai foire d’aivô sai vaitche èt sai tchievre. Ïn mairtchaind qu’aivait pidie de çte vave yi euffré tot comptant cïntye cents francs po lai vaitche. -- Ah, que f’sé lai fanne, è fât pâre lai tchievre d’aivô. Ç’ât ïn lot. -- Mains qu’ât-ce qu’i veus faire de çte véye bique ? -- Ç’ât è prendre o è léchie. -- Bon. Èt po l’ prix, vôs étes d’aiccoûe ? -- Cïntye cents francs, ç’ât po lai tchievre. Lai vaitche, i vôs lai céde po cïntye francs. Ç’ât l’ prix d’ènne mâsse. ---- Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis

Des messes bon marché

Le père Ulysse est en fin de vie. Le curé lui a administré les derniers sacrements. Il râle à faire pitié. Sa femme, assise à son chevet, lui applique une serviette mouillée sur le front. -- Femme, gémit-il, je n’ai pas été toujours gentil avec toi. Tu me pardonnes ? -- C’est déjà pardonné. Ce n’est plus le moment de le rappeler. Moi non plus je n’ai pas été toujours gentille avec toi. -- Femme, tu me mettras sur la tombe de mes parents. -- Tout est déjà prévu. Ne te fais pas de souci. Tu peux partir en paix. -- Femme ? -- Qu’est-ce qu’il y a encore ? -- Quand je ne serai plus, tu prendras la plus belle vache de l’écurie et tu iras la vendre à la foire de Porrentruy. Tu en retireras au moins cinq cents francs. Avec cet argent, tu feras dire des messes. J’en ai bien besoin. A celui qui t’achèteras la vache, tu lui donneras cette vieille chèvre qui ne vaut plus rien. Il faut t’en débarrasser. Ulysse mort, la femme s’en fut à lai foire avec sa vache et sa chèvre. Un marchand compatissant lui offrit spontanément cinq cents francs pour la vache. -- Ah, dit la veuve, il faut prendre la chèvre avec. C’est un lot. -- Mais qu’est-ce que je ferai de cette vieille bique ? -- C’est à prendre ou à laisser. -- Bon. Et pour le prix, vous êtes d’accord ? -- Les cinq cents francs, c’est pour la chèvre. La vache, je vous la cède pour cinq francs, au prix d’une messe. ---- La chronique patoise du QJ en direct :