Publié dans le Quotidien Jurassien le 20 janvier 2017
Ïn tchave aivâriciou
Le Thiophile croûje yun d’ ses caim’rades de service qu’é l’ capiron tot dépyeumè.
-- Mains, Milat, qu’ât-ce qu’è t’é airrivè
? Toi qu’aivôs ènne si bèlle tchoupe è Colombie. Te t’ sovïns
? Ès t’aivïnt oblidgi è lai copaie. T’étôs fô d’ raidge.
-- Ç’ât qu’i aî t’aivu bïn des enmiedges. Mon paitron m’é fotè lai pâle â tiu. Mai fanne m’é tyitie. I aî predju mes pois en ènne neût.
-- Moi âchi, i seus v’ni tchâve. Pe en ènne neût, cment toi. Mains en quéques mois.
-- Èt peus, qu’ât-ce t’és fait
?
Le Thiophile soyeve sai casquètte.
-- Te vois. I n’ me seus p’ aitchtè ènne perrutçhe. I n’ me seus p’ faît eurpiaintè des pois. I m’ seus tot sïmpyement aitchtè ènne casquètte ch’ lai foire.
-- Èlle te vait bïn, Thiophile.
-- Te sais ç’ que te dairôs faire, Milat. Entraie dains lai Societè des Sains-Pois, qu’ ç’ât moi qu’i seus l’ présideint. I t’veus r’commaindaie.
-- È y é âtçhe è paiyie
?
-- Sacré Milat, t’és aidé l’ meinme raîté. T“n”airés qu’è nôs paiyie ènne toénnèe.
-- Vôs paiyie ènne toénnèe
? Te peus comptaie d’chus èt boire de l’âve. I sais ço qu’i veus faire. I aî aitchtè des peignattes ch’ lai foire en ci Toporan, cïntye pour trente sous. Mit’naint qu’i n’en aî pus fâte, i m’en v’allaie yi rendre, è n’é qu’è me r’bèyie mes sôs.
{Note
Toporan, sobriquet donné à un célèbre forain qui bradait sa marchandise, la vendant tot po ran, tout pour rien.}
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Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis
Un chauve avaricieux
Théophile rencontre par hasard un de ses camarades de service qui n’a plus un poil sur la tête.
-- Mais, Milot, qu’est-ce qui t’est airrivé
? Toi qui avais une si belle tignasse à Colombier. Tu te souviens
? Ils t’avaient obligé à la couper. Tu étais fou de rage.
-- C’est que j’ai eu bien des tracas. Mon patron m’a congédié. Ma femme m’a quitté. J’ai perdu tous mes cheveux en une nuit.
-- Moi aussi, je suis devenu chauve. Pas en une nuit, comme toi. Mais en quelques mois.
-- Et puis, qu’est-ce que tus as fait
?
Théophile soulève sa casquette.
-- Tu vois. Je ne me suis pas acheté une perruque. Je ne me suis pas fait implanter des cheveux. Je me suis tout simplement acheté une casquette sur la foire.
-- Elle te va bien, Théophile.
-- Tu sais ce’ que te devrais faire, Milot. Entrer dans la Societé des Chauves. J’en suis le président. Je te recommanderai.
-- Est-ce qu’il y a des cotisations
?
-- Sacré Milot, tu es toujours le même pingre. Tu n’auras qu’à nous payer une tournée.
-- Vous payer une tournée
? Tu peux compter dessus et boire de l’eau. Je sais ce que je veux faire. J’ai acheté des peignes sur la foire, à ce Toporan, cinq pour un franc cinquante. Maintenant que je n’en ai plus l’emploi, je m’en vais les lui rendre. Il n’a qu’à me rembourser.
{Toporan, sobriquet donné à un célèbre forain qui bradait sa marchandise, la vendant tot po ran, tout pour rien.
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