Publié : 23 décembre 2016

La maison ensorcelée.

Lai mâjon endjâtchi

Bernard Chapuis

Publié dans le Quotidien Jurassien le 23 décembre 2016

Lai mâjon endjâtchi

Vôs voites çte mâjon è drète ch’ le crât di môtie ? Èlle aippairtenait en ci Fédo le Bûe, legrant-pére di Vital. C’était ïn bon hanne mains que n’é p’aivu d’ tchaince. Poéchqu’è yi ât vni ché boûebes. Sai fanne ât moûe aiprés l’ chéjieme qu’an ons baitijie Fédo cment lu. Ès sont tus paitchis d’ lai mâjon d’âvo ïn bon métie, safe le pus djûene, le Fédo, qu’é r’pris l’ train d’paiysain. Ès s’sont mairiès les ché. Çoli yi é fait chés brus en ci Fédo le Bûe. Tiaind qu’èl ât moûe, él é bïn faiyu paitaidgie l’ hèrtaince. Fédo le Djûene, le pére di Vital, qu’était ïn hanne raisonnâbye, était d’aiccoûe po bèyie yote paît en ses cïntye fréres. Mais les cïntye brus qu’étïnt enraidgis n’aint ran vlu entendre. Èlles aint breûyè qu’ le Djûene v’lait les voulaie, qu’èl était pé qu’ le Véye, qu’è n’y aivait pé lairre. Aiprès tot, è n’y aivait qu’è vendre â pus eûffraint lai mâjon, les moubyes, les tieres, tot, djuqu’à noi tchait. Le bïn n’était dran pus en yun qu’en l’âtre. Mai fé, lai loi ç’ât lai loi. Èl é bïn faiyu vendre. Fédo le Djûene ât moûe de dépét. Vital èt sai fanne sont d’moérès ch’ le bïn. Pô aiprès, lai mâjon ât vni endjâtchi. Çoli s’ péssait lai neût â dieûgnie. An ôyait des piainjèts, des écâçhèts di diaîle, des bruts de tchaînne. Les vaitches dains l’étâle étïnt épavouries. Des tieles s’envoulïnt di toét. Ïn soi, l’ Vital ât montè â dieûgnie. Èl é vu ïn noi tchait en furie que s’ât sâvaidgement tchaimpé chus lu. Él é faît dire ènne mâsse, èt peus tot ci commerce s’ât râtè. ---- Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis

La maison ensorcelée.

Vous voyez cette maison à droite sur le crêt de l’église ? Elle appartenait à Alfred dit Le Bœuf, le grand-père de Vital. C’était un homme bon, mais qui n’a pas eu de chance. Parce qu’il a eu six garçons. Sa femme est morte après le sixième qu’on a baptisé Alfred comme lui. Ils ont tous quitté le foyer avec un bon métier, sauf le plus jeune, Alfred, qui a repris la ferme. Ils se sont mariés les six. Ça lui a fait six brus à Alfred le Bœuf. A sa mort, il a bien fallu partager l’héritage. Fédo le Jeune, le père de Vital, homme raisonnable, était d’accord pour donner leur part à chacun de ses cinq frères. Mais les cinq brus, des enragées, n’ont rien voulu entendre. Elles braillaient que le Jeune voulaient les voler, qu’il était pire que le Vieux, qu’il n’y avait pas pire canaille. Après tout, il n’y avait qu’à vendre au plus offrant, la maison, les meubles, les terres, tout, juqu’au chat noir. Le bien n’était pas plus à l’un qu’à l’autre. Ma foi, la loi c’est la loi. Il fallut se résoudre à vendre. Fédo le Jeune en mourut de chagrin. Vital et sa femme sont restés sur le domaine. Peu après, la maison fut frappée d’un sort. Cela se passait la nuit au galetas. On entendait des gémissements, des éclats de rire diaboliques, des bruits de chaîne. Dans l’étable, les vaches, s’agitaient, affolées. Des tuiles s’envolaient du toit. Un soir, Vital est monté au galetas. Il a vu un chat noir qui s’est farouchement jeté sur lui. Il a fait dire une messe et le maléfice a pris fin. ---- La chronique patoise du QJ en direct :