Paru dans le Quotidien Jurassien du 19 août 2016
Mâ d’airoiyes
Lai Mathilde n’ât djemais paitchi d’ l’hôtâ, safe po allaie en Lai Piere po r’méçhiaie o d’maindaie. I n’ compte pe non pus son viaidge de nace cïnquante ans pus tôt. Èls aivïnt péssè ènne neût èt dous djoués è Lugano. Èlle en djâse aidé en montraint des véyes photos.
Èll’ vïnt d’ fétaie ses quaitre-vingts. Ses boûebes yi aint euffri ïn voul en aivion. Baîle-Nice. Viaidge èt sédjoué compris, dâ yundi â vardi. Ç’ât son pus djûene bouebe èt sai bru que l’aiccompaignant. Èlle s’édjoyât, bïn chur, mains elle é ïn po pavou.
- Vôs airèz di piaiji, Mère. Èt peus, nôs airons ïn eûye chus vôs.
- Oh, po çoli, i seus confiainne.
Lai Mathilde é boçhè son bodri. Tiaind l’oûjé d’ fie s’ât envoulè, èlle é sarrè l’ brais d’sai bru è gâtche èt l’ brais d’ son boûebe è drète. L’aippairoiye é pris d’ lai hâtou. Mathilde é çhioûe les oeûyes. L’hôtesse s’ât aippreutchie èt yi é d’maindè dgentiment : «
Vôs n’ vôs sentèz pe bïn, Daime
?
»
- I aî les aroiyes que bouédj’nant.
- Aittentes. I veus vôs bèyie âtçhe. Çoli veut péssaie.
Èlle y é bèyie dous taiblattes è tcheulaie. En l’airrivèe, lai Mathilde dit en l’hôtesse :
- Qu’ât-ce que vôs m’èz bèyie poi-li
? Ces taiblattes, ç’ât ènne bèlle truerie. I n’aî p’ poéyu les rôtaie. Èlles me sont d’moérèes collèes dains les aroiyes.
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Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis
Mal d’oreilles
Mathilde n’a jamais quitté la maison, sauf pour se rendre en pèlerinage à N.-D. de la Pierre à Mariastein afin de remercier ou de d’implorer une grâce. Je ne compte pas non plus son voyage de noce cinquante ans auparavant. Ils avaient passé une nuit et deux jours à Lugano. Elle en parle encore toujours en montrant de vieilles photos.
Elle vient de fêter ses quatre-vingts ans. Ses fils lui ont offert un vol en avion. Bâle-Nice. Trajet et séjour compris, du lundi au vendredi. C’est son fils cadet et sa belle-fille qui l’accompagnent. Elle se réjouit, bien sûr, mais elle est un peu inquiète.
-- Vous aurez du plaisir, Mère, dit la bru. Et puis, nous veillerons sur vous.
-- Oh, pour ça, j’ai confiance.
Mathilde a bouclé sa ceinture. Quand l’avion a décollé, elle a serré le bras de sa belle-fille à gauche et celui de son fils à droite. L’appareil a pris de la hauteur. Mathilde a fermé les yeux. L’hôtesse s’est approchée et lui a demandé aimablement : «
Vous ne vous sentez pas bien, Madame
?
»
-- J’ai les oreilles qui bourdonnent.
-- Attentez. Je vais vous donner quelque chose. Cela passera..
Elle lui a donné deux tablettes à mâchonner. A l’arrivée, Mathilde dit à l’hôtesse :
-- Qu’est-ce que vous m’avez donné par là
? Ces tablettes, c’est une belle saloperie. Je n’ai pas réussi à les retirer. Elles me sont restées collées dans les oreilles.
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La chronique patoise du
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