Paru dans le Quotidien Jurassien du 12 août 2016
Le saiv’tie èt l’ finaincie
{D’aiprés La Fontaine}
{Ïn saiv’tie tchantait di maitïn djuqu’â soi :
Son véjïn n’ tchantait dyère èt dremait encoé moins.
C’était ïn hanne de finaince.
S’en lai pitçhatte di djoué des côps è s’endremait,
Le saiv’tie en tchantaint l’ révoyait,
Èt le finaincie se pyaingnait
Qu’an n’ poéyeuche aitchtaie lai sanne cment le boire èt l’ maindgie.
*
È convoque le tchaintou èt yi d’mainde :
- Qu’ât-ce que vôs dyaingnietes poi l’an
?
- I n’engraindge dyère. Tchéque djoué aimoéne son pain.
- Éh bïn, qu’ât-ce que vôs dyaingnietes en ïn djoué
?
- Des côps pus, des côps moins.
Le mâ ç’ât que dains l’an s’entremâçhant des djoués
Qu’è fât chômaie
; an nôs reune en fétes.
Yune nut en l’âtre
; èt not’ chire
De quéque nové sïnt tchairdge aidé son calendrie.
- I vôs veus botaie adj’d’heu ch’ le trône.
Prentes ces cent étius : voidgietes-les bïn
Po vôs en servi s’è fât.
*
Le saiv’tie eurtoéne en l’hôtâ
; dains sai tiaive èl ensarre
L’airdgent èt sai djoue en lai fois.
Pus de tchaint. Lai sanne tyitté sai mâjon.
Ce feunent adonc les tieusains,
Les dotes, les fâtes ailairmes.
Tot le djoué è dyaittait, èt lai neut,
Se quéque tchait faisait di brut,
Le tchait prenyait l’airdgent : en la fïn le poûere hanne
Rittait tchie çtu qu’è n’ révoiyait pus.
- Eurbèyietes-me mes tchainsons èt mai sanne,
Ėt reprentes vos cent étuis.}
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Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis
Le savetier et le financier
La Fontaine
Texte original
Un Savetier chantait du matin jusqu’au soir :
C’était merveilles de le voir,
Merveilles de l’ouïr
; il faisait des passages,
Plus content qu’aucun des Sept Sages.
Son voisin au contraire, étant tout cousu d’or,
Chantait peu, dormait moins encor.
C’était un homme de finance.
Si sur le point du jour, parfois il sommeillait,
Le Savetier alors en chantant l’éveillait,
Et le Financier se plaignait
Que les soins de la Providence
N’eussent pas au marché fait vendre le dormir,
Comme le manger et le boire.
En son hôtel il fait venir
Le Chanteur, et lui dit : Or çà, sire Grégoire,
Que gagnez-vous par an
? Par an
? Ma foi, monsieur,
Dit avec un ton de rieur
Le gaillard Savetier, ce n’est point ma manière
De compter de la sorte
; et je n’entasse guère
Un jour sur l’autre : il suffit qu’à la fin
J’attrape le bout de l’année :
Chaque jour amène son pain.
Et bien, que gagnez-vous, dites-moi, par journée
?
Tantôt plus, tantôt moins, le mal est que toujours
(Et sans cela nos gains seraient assez honnêtes),
Le mal est que dans l’an s’entremêlent des jours
Qu’il faut chômer
; on nous ruine en fêtes.
L’une fait tort à l’autre
; et monsieur le Curé
De quelque nouveau saint charge toujours son prône.
Le Financier, riant de sa naïveté,
Lui dit : Je vous veux mettre aujourd’hui sur le trône.
Prenez ces cent écus : gardez-les avec soin,
Pour vous en servir au besoin.
Le Savetier crut voir tout l’argent que la terre
Avait, depuis plus de cent ans
Produit pour l’usage des gens.
Il retourne chez lui
; dans sa cave il enserre
L’argent et sa joie à la fois.
Plus de chant
; il perdit la voix
Du moment qu’il gagna ce qui cause nos peines.
Le sommeil quitta son logis,
Il eut pour hôte les soucis,
Les soupçons, les alarmes vaines.
Tout le jour il avait l’œil au guet
; et la nuit,
Si quelque chat faisait du bruit,
Le chat prenait l’argent : à la fin le pauvre homme
S’en courut chez celui qu’il ne réveillait plus.
Rendez-moi, lui dit-il, mes chansons et mon somme,
Et reprenez vos cent écus.
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La chronique patoise du
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