Paru dans le Quotidien Jurassien du 24 juin 2016
Les accessoires
{Lai bionde Eulalie ât â Covent des Oujés. Ç’ât ïn pensionnat po djûenes baîchattes qu’ât t’ni poi des soeurs. Â programme, è y é âchi lai tiueûjènne, lai deintèlle, lai brod’rie, le dessin, le tchaint, lai dainse èt l’ piaino. Tot çoli côte tchie, mains son pére, le chire di Mont, é les moiyïns èt peus è veut qu’ son Eulalie f’seuche ïn bé mairiaidge.
L’Eulalie é v’lè ïn piano en l’hôtâ, po poéyait raicodgeaie. Son pére n’était p’ trop d’aiccoue. Ïn piano, ç’ât pus qu’ le prix d’ènne vaitche. L’Eulalie é puerè, lai mére s’en ât mâçhè, èt peus mon Albért é bïn daivu y péssaie.
Lai soeur é dit en çt’ Eulalie : «
Pendant les condgies, te n’ rébierais p’ ton piano. È t’ fât djûere tos les djoués s’ te veus aivaincie, meinme le dûemoène.
»
È y é d’ lai béseingne en lai fèrme, l’hôtâ, chutot â tchâtemps. En yûe de bèyie ïn côp d’ main en sai mére, l’Eulaie fait ses dyaimes
Eulaie fait ses dyaimes. Lai snieule empiât lai mâjon di matïn â soi. Éroiy’nè poi ènne dûre djouénèe, l’Albért,ainm’ait bïn ïn pô d’ calme, mains lai d’moisèlle taipe aidé chu son ïnchtrument. fait ses gammes. Â bout de quéques djoués, le chire n’en peut pus. È r’toéne tchie l’ mairtchaind :
- Vôs qu’vendez des pianos, ât-ce que vôs èz tos les accessoires
?
- Qu’ât-ce qu’è vôs fârait
? Ènne sèllatte
? Ènne yaimpe que s’régle
? Des tchaindlies
? Ènne tçhvétçhe
? Ènne sourdyine
? Ènne mejuratte
?
- Ran de tot çoli. Bèyietes-me ènne haitche.}
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Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis
Les accessoires
La blonde Eulalie est au Couvent des Oiseaux. C’est un pensionnat pour jeunes filles tenu par des religieuses. Au programme figure également la cuisine, la dentelle, la broderie, le dessin, le chant, la danse et le piano. Tout cela coûte cher, mais son père, gros propriétaire Sur-le-Mont, a les moyens
; il tient à ce que son Eulalie fasse un riche mariage.
Eulalie a exigé d’avoir un piano à la maison, afin de pouvoir répéter ses gammes. Son père n’était pas trop favorable. Un piano, c’est plus que le prix d’une vache. Eulalie a pleuré, la mère a pris son parti, Albert a bien dû céder.
La soeur dit à Eulalie : «
Pendant les vacances, tu n’ oublieras pas ton piano. Tu dois jouer chaque jour si tu veux faire des progrès, même le dimanche.
Il y a du travail à la ferme, surtout en été. Au lieu de seconder sa mère, Eulalie fait ses gammes. La rengaine résonne dans la maison du matin au soir. Épuisé par une pénible journée, Albert souhaiterait un peu de calme, mais la demoiselle cogne sur son instrument. Au bout de quelques jours, le brave homme n’en peut plus. Il retourne chez le marchand :
-- Vous qui vendez des pianos, est-ce que vous avez tous les accessoires
?
-- Qu’est-ce qu’il vous faudrait
? Une chaise, une lampe réglable, des chandeliers, une couverture, une sourdine, un métronome
?
-- Rien de tout ça. Donnez-moi une hache.
La chronique patoise du
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