Publié : 15 avril 2016

Un malade imaginaire

Ïn fât malaite

Bernard Chapuis

Paru dans LQJ, le 15 avril 2016

Ïn fât malaite

- I n’sais p’ se vôs coégnâtes ci Djeain Dipouche. - Çt’ écregneule ? Çtu qu’an aippele Hèrtiule, poéche qu’èl ât tot p’tèt. Çtu qu’é mairiè la Dgertrude. - Tot djeute, lai Troudi. Voili ïn coupye que n’ât p’ aisssoûetchi. Ci pt’èt l’hanne d’aivô çte bèlle grante fanne. Yote mairiaidge feut airrandgie poi les poirents. Ènne quèchtion d’hèrtaince, tot l’ monde le sait. È fârait voûere péssaie ci coupye, èlle che bïn baîtie que mairtche devaint ; lu, le p’tèt que ritte drie è grant poène en çhiouçhant cment ïn bue. « Aittends-me, Troudi ! » - Aittieuds, aittieuds,nôs sons preussies. Çt’ écregneule d’Hèrtiule, ç’ât ïn fât malaite. È s’piaint dâ tot â maitïn. È y é aidé âtçhe que n’ vait pe. Ci djoué-li, è n’en peut pus. - Troudi, ci côp, crais bïn qu’ seus â bout. - Coidge-te, te m’endoéreles. - Troudi. I n’en ai pus po grant. I seus bïntôt fotu. È fât qu’ nôs djâjeuchïns. S’i paitchôs d’ l’ âtre sens, te t’eurmairierôs ? - Yé bïn chûr. Te n’ voérrôs p’ qu’i d’moérreuche vave tot l’rèchtant d’mes djoués. - Èt peus çtu qu’te pârais, è dremirait dains mon yét ? - Laivou qu’ te voérrôs qu’è dremeuche ? - Èt peus è bott’rait mes soulaies, mes hâyons. - Ah po çoli, que nian ! È n’entrerait p’ dedains. Èl ât bïn pus grant qu’ toi. ---- Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis

Un malade imaginaire

-- Je ne sais pas si vous connaissez Jean Dupuits. -- Cet avorton ? Celui qu’on surnomme Hercule à cause de sa petite taille. Celui qui a épousé Gertrude. -- Troudi, exactement. Voilà un couple mal assorti. Ce nabot avec cette belle grande femme. Leur mariage fut arrangé par les parents. Une question d’héritage, tout le monde le sait. Il faut voir passer ce couple, elle si bien bâtie qui marche devant ; lui, le rase-mottes qui suit à grand peine en soufflant comme un bœuf. « Attends-moi, Troudi !  -- Avance, avance, nos sommes pressés. Ce freluquet d’Hercule est un malade imaginaire. Il se plaint tout au matin. Il y a toujours quelque chose qui cloche. Ce jour-là, il n’en peut plus. -- Troudi, cette fois, je crois que je suis au bout. -- Tais-toi, tu me tapes sur les nerfs. -- Troudi, je n’en ai plus pour longtemps. Je suis bientôt fichu. Il faut que nous parlions sérieusement. Si je venais à disparaître, est-ce que tu te remarierais ? -- Naturellement. Tu ne voudrais tout de même pas que je reste veuve le reste de mes jours. -- Et celui que tu prendrais dormirait dans mon lit ? -- Où voudrais-tu qu’il dorme ? -- Et il mettrait mes souliers, mes vêtements ? -- Ah ça non ! Il n’entrerait pas dedans. Il est bien plus grand que toi. La chronique patoise du QJ en direct :