Publié : 6 novembre 2015

Une sorcière

Ènne dgenâtche

Bernard Chapuis

Paru dans LQJ du 30 octobre 2015

Ènne dgenâtche

{Lai vave Tiénatte de Drie-lai-Vèlle pésse po étre ènne dgenâtche. Les croûeyes landyes dyant qu’èlle pochéde ïn gremoûere, qu’èlle le conchulte po faire di mâ, èt qu’èlle djete des soûes. Les dgens en aint pavou. Ïn djoué, le Torin pésse dvaint tchie yée d’aivô sai dgement. Lai Tiénatte ât sietèe ch’ le bainc â dvaint l’heus. - T’és ènne sacrée bèlle polniere poi-li, Torin. - Ne t’aippreutche pe, véye dgenâtche, ou bïn i t’ fôs ïn côp d’ rieme. Lai Tiénatte fait des écâçhèts di temps qu’ mon Torin déguèrpât. Le maitïn d’aiprés, le Torin r’trove sai dgement crevèe. Dâdon, totes les neûts, tchie l’ Torin, an ô des bruts de tchainne dans l’grenie. Le Torin monte d’aivô ènne tchaindoiye. Niun. Mains dâ qu’è r’déchend, les bruts eurcommençant. Èls aint fait dire ènne mâsse. Les bruts s’ sont râtès, mains tiaind qu’ès sont tus â poiye, le soi, an ô maîrtchi dains l’âllou èt bieûtchie en lai poûetche. Çoli n’ peut pus durie. Le Torin prend son couté èt peus è l’ yaince dains lai poûetche, lai laime en premie. Cment d’aivéje, lai Tiénatte ât sietèe ch’ le bainc â dvaint l’heus. Èlle é l’ brais en étchairpe. Èlle n’écâçhe pus, èlle béche lai téte. « Diaîle qu’è m’ fait mâ, ci brais ! Sacré Torin, vai, te n’ pies ran po attender. »} ---- Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis

Une sorcière

La veuve Étiennette de Drie-lai-Vèlle passe pour être une sorcière. Les mauvaises langues disent qu’elle possède un grimoire, qu’elle le consulte pour faire du mal, et qu’elle jette des sorts. Les gens en ont peur. Un jour, Victorin passe devant chez elle avec sa jument. Étiennette est assise sur le banc devant l’huis. -- Tu as une sacrée belle poulinière par-là, Victorin. -- Ne t’approche pas, vieille sorcière, ou je te flanque un coup de fouet ! Étiennette rit aux éclats, cependant que Victorin déguerpit. Le lendemain matin, Victorin retrouve sa jument crevée. Depuis, chaque nuit, chez Victorin, on entend des bruits de chaîne dans le grenier. Victorin monte une chandelle à la main. Personne. Mais dès qu’il redescend, les bruits recommencent. Ils ont fait dire une messe. Les bruits ont cessé, mais quand ils sont tous réunis au salon le soir, on entend marcher dans le corridor et frapper à la porte. Cela ne peut plus durer. Victorin prend son couteau et le lance dans la porte, la lame en avant.. Comme d’habitude, Étiennette est assise sur le banc devant l’huis. Elle a le bras en écharpe. Elle ne ricane plus, elle baisse la tête. « Diable, que ce bras me fait mal ! Sacré Victorin, va, tu ne perds rien pour attendre. » ---- La chronique patoise du QJ en direct :