Publié : 23 octobre 2015

Une visite à l’hospice

Ènne visite en lai mâjon d’véyes

Bernard Chapuis

Paru dans LQJ du 23 octobre 2015

Ènne visite en lai mâjon d’véyes

{I seus t’aivu l’âtre djouè è Saint-Ochanne po voûere ces véyes. I y vais encoé bïn s’vent. I m’dis qu’è mon toué, i veus étre véye aiche bïn, èt peus qu’i s’rôs bïn content s’an vïnt m’voûere, chutot d’avô ènne boénne botaye. È y aivait lai Mélie di Bout-d’là qu’i aivôs bïn coégnu dains l’temps, çtée qu’son hanne était tchoé d’ïn çlégie qu’an crayaît qu’èl était fotu. - Bïn l’bondjoué, Mélie. È vait ? - Tot balment. Èlle tricotaît des tchâsses, i n’sais p’diaile po tiu. - Èt peus ces tchaimpes ? - Te saîs, ç’n’ât pus po ritaie és mouchirons. Ç’ât di véye bôs. Nôs ains djâsè di vlaidge, èt peus di véye temps, èt peus de cés que sont paitchis. È m’sannaît qu’èlle aivait encoé tote sai téte. Èlle m’é raipplè bïn des dgens qu’i aivôs rébiés. Le Thomas, çoli n’ vôs dit ran ? Poédé, le véjïn de çte Mélie. Tot d’ïn côp, èlle me fait : - Ç’ât qu’i vais chu mes quaitre-vingts. Moi qui lai coégnâs bïn, i yi dis : - Mains, Mélie, vôs les èz dj’ aivus. Vôs èz fétè vos nonante lai snainne péssèe. - T’és chûr ? Ces tchairvôtes, t’veus craire, ès n’m’aint ran dit. I l’ai raicontè en lai soeur. Nôs ains riè, èt peus i riôs tot pai moi en me r’veniaint poi lai Croux.} ---- Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis

Une visite à l’hospice

Je suis allé l’autre jour à Saint-Ursanne, rendre visite aux pensionnaires du Foyer. J’y vais encore bien souvent. Je me dis qu’à mon tour, je serai vieux. Et je serai bien content si l’on vient me voir, surtout avec une bonne bouteille. Il y avait cette Amélie du Bout-de-là, que j’avais bien connue autrefois, celle dont le mari était tombé d’un cerisier. On a bien cru alors qu’il était perdu. -- Bien le bonjour, Amélie. Ça va ? -- Tout doucement. Elle tricotait des bas, je ne sais diable pour qui. -- Et ces jambes ? -- Tu sais, ce n’est plus pour courir aux champignons. C’est du vieux bois. Nous avons parlé du village, d’autrefois, de ceux qui sont partis. Il me semblait qu’elle avait encore toute sa tête. Elle m’a rappelé bien des personnes que j’avais oubliées. Thomas, ça ne vous dit rien ? Pardi, le voisin d’Amélie. Tout à coup, elle me fait : -- C’est que je vais sur mes quatre-vingts. Moi qui la connais bien, je lui dis : -- Mais, Amélie, vous les avez déjà eus. Vous avez fêté vos nonante la semaine passée. -- Tu es sûr ? Ces vauriens, tu veux croire, ils ne m’ont rien dit. J’ai raconté l’épisode à la sœur. Nous avons ri, et je riais tout seul en revenant par le col de la Croix. ---- La chronique patoise du QJ en direct :