Publié : 28 août 2015

Le seuil

L’ raigâ

Jean-Marie Moine

Paru dans Arc Hebdo, juillet 2015

L’ raigâ

È y é ènne s’nainne, i traivoichôs lai piaice vés lai grôsse toué qu’ les Tchâ-d’ Fonnies aipp’lant Toué d’ l’ « Échpaichitè ». Brâment d’ afaints s’ aimujïnt daivô yôte djaimbe-que bousse (trottinette), d’ âtres djûenes pus grants, f’sïnt totes soûetches d’ aicrobachies daivô des piaintches è rôlattes obïn des rôll’râs. Des dgens allïnt pe v’gnïnt en maîrtchaint. Tot d’ ïn côp, ïn hanne d’ ïn chèrtan aîdge tchoiyé de tot son graint, quâsi en mes pies. Ç’ que m’ é piaîju, ç’ât qu’ tos ces djûenes sont tot comptant v’ni m’ édie è le r’yevaie, di temps qu’ è chaicramentait c’ment qu’ ïn tchairtie. Nôs y’ ains prepôjè d’ aipp’laie di chcoué, mains è n’ é p’ v’lu. Èl épreuvait d’ boudgi son coûe, ses brais, ses mains, ses tchaimbes, ses pies, sai téte… Çoli yi f’sait bïn ïn pô mâ, mains ran n’ sannait rontu. L’ rouffye péssè, les djûenes eurpregnainnent yôs djûes, di temps qu’ i envèllôs ç’t’ hanne è boire ïn café en lai tieraiche di bichtrot d’ lai piaice. Ç’t’ hanne, que v’niait d’lai véjène Fraince, poéyé enfïn m’ échquepyi-quaie qu’ èl était tchoi poch’qu’ è s’ était traibeutchie contre le raigâ que londge lai tieraiche di bichtrot pe qu’ se prolondge chus ènne vintainne de métre. Vôs voites, qu’ è m’ dié, ç’tu qu’ é fait les pyans de ç’te piaice, ces qu’ l’ aint mâjnè en cheûyaint les pyans, n’ se sont dj’mais pojè d’ quèchtions po saivoi les aiccreus que ç’t’ aittraippe-coéyon poéyait endgeïn-draie. Ci sïmpye raigâ ât daindg’rou po les aîdgies dgens, pe ç’ ât ïn meu po les djûenes rôll’rous que djuant chus ç’te piaice. An poérait poétchaint bïn airraindgie les tchôjes : baîrraie ci bout d’ raigâ qu’ dépésse po qu’les aîdgies dgens n’ tchoéyeuchïnt p’. Les djûenes aint dj’ d’ âtres égrèes chus ç’te piaice po faire yôs aiccrobachies. C’ment que ç’t’ hanne aivait ensoingnè les mathémâtiques è Moûetuâ, nôs feunes tot piein d’aiccoûe po vierèvaie ïn raigâ daivô ç’ qu’ an aippelle, en mathémâtique, lai désaigong’tè (la discontinuité). Tote désai-gong’tè (réchpèctiv’ment tot raigâ) ât l’ encâse d’ ïn probyème (réchp. d’ ènne aiyâl’tè). Chèrtannes désaigong’tès (réchp. Chèrtans raigâs) poéyant étre chupprimè (réchp. airraind-gie). An dait aidmâttre les naiturâs désaigong’tès : ces l’ lai coûepuchculâ tyiorie d’ lai lumiere, (réchp. an n’ peut ran faire contre les naiturâs raigâs : malaidie, moûe, etc.). Mains les pés des désaigong’tès (réchp. les pés des raigâs) sont ces qu’ sont aiyûe poi les raicodjous po des ésâmens (réchp. ces qu’ sont daivu en lai métchain’tè, en lai croûey’tè des hannes). L’ hanne ât ïn leu pou l’hanne [chitâchion graiynè en laitïn poi ci Plaute] J-M. Moine

Le seuil

Il y a une semaine, je traversais la place vers la grande tour que les Chaux-de-Fonniers appellent la Tour de l’ « Espacité ». Beaucoup d’enfants s’amusaient avec leur trottinette, d’autres jeunes plus grands, faisaient toutes sortes d’acrobaties avec des planches à roulettes ou bien des rollers (mot anglo-américain : patins à roulettes). Des gens allaient et venaient en marchant. Tout d’un coup, un homme d’un certain âge tomba de tout son long, presque à mes pieds. Ce qui m’a plu, c’est que tous ces jeunes sont immédiatement venus m’aider à le relever, pendant qu’il jurait comme un charretier. Nous lui avons proposé d’appeler du secours, mais il n’a pas voulu. Il essayait de bouger son corps, ses bras, ses mains, ses jambes, ses pieds, sa tête… Cela lui faisait bien un peu mal, mais rien ne semblait cassé. L’émotion passée, les jeunes reprirent leurs jeux, pendant que j’invitais cet homme à boire un café à la terrasse du bistrot de la place. Cet homme, qui venait de la France voisine, put enfin m’expliquer qu’il était tombé parce qu’il avait trébuché contre le seuil qui longe la terrasse du bistrot et qui se prolonge sur une vingtaine de mètres. Vous voyez, me dit-il, celui qui a fait les plans de cette place, ceux qui l’ont construite en suivant les plans ne se sont jamais posé de questions pour savoir les accrocs que cet attrape-couillon pouvait engendrer. Ce simple seuil est dangereux pour les personnes âgées, c’est un mieux pour les jeunes rolleurs qui jouent sur cette place. On pourrait pourtant bien arranger les choses : assortir d’une barrière ce bout de seuil qui dépasse pour que les personnes âgées ne tombent pas. Les jeunes ont déjà d’autres escaliers sur cette place pour faire leurs acrobaties. Comme cet homme avait enseigné les mathématiques à Morteau, nous fûmes tout à fait d’accord de comparer un seuil avec ce qu’on appelle en mathématique la discontinuité. Toute discontinuité (respectivement tout seuil) est cause d’un problème (resp. d’un désagrément). Certaines discontinuités (resp. Certains seuils) peuvent être supprimés (resp. arrangés). On doit admettre les discontinuités naturelles : celles de la théorie corpusculaire de la lumière (resp. on ne peut rien faire contre les seuils naturels : maladie, mort, etc.).Mais les pires des discontinuités (resp. les pires des seuils) sont celles qui sont préparées par les professeurs pour des examens (resp. ceux qui sont dus à la méchanceté, à la cruauté des hommes) L’homme est un loup pour l’homme [citation écrite en latin par Plaute]) J-M. Moine