Publié : 4 mai 2015

La semaine sainte

Lai grant’ s’nainne

Jean-Marie Moine

Paru dans Arc Hebdo, mai 2015

Lai grant’ s’nainne

Tos les Jurassiens d’ mon aîdge se seûv’nant qu’ lai grant’ s’nainne était ç’té des grôs nenttayaidges : ces d’lai mâjon, ces di môtie, pe bïn chur, ces des aîmes. I crais qu’ çoli é ïn pô, obïn brâment tchaindgie, daivô ç’que s’ pésse âdjd’heû. Dâli, r’virans ïn pô dains l’ temps. An soûetchait d’vaint l’ hôtâ lai grôsse étchaippouse, les grôs sayats, lai baittoûere, l’ trâté è lïndge, è pe tot ç’ qu’ è fayait po qu’ les fannes f’seuchïnt lai grôsse bûe. An tenjait les grôs coûedgeons entre les aîbres di voirdgie po faire è satchi lai bûe. Dains lai mâjon, an eûvrait tot grand les f’nétres pe les poûetches po bïn échâyie di temps d’ l’ écouvaidge, di rétiuraidge pe d’ l’ époussataidge. Les djûenes di v’laidge, aichbïn les baîchattes que les bouebes, allïnt â môtie po tot nenttayie. C’ment qu’ i n’ aivôs p’ pavou d’ grèp’naie chus ènne étchiele, c’ était en moi d’ pâre le pouss’rat en l’ enson des âtés, pe en l’enson d’ lai tchaiyiere. I me ch’vïns qu’ ïn côp i aivôs rébiè de r’déchendre lai breusse d’ lai Tété de d’tchus le p’tét tchaipâ dôs l’qué s’trovait l’ sïnt Nicolâs d’ Flûe ; è bïn ç’te breusse y’ ât d’moérè ènne annèe… ! Ç’ ât ci Bregnaîd, l’ çhèvie, qu’ diridgeait les traivaiyes. Lu, s’ daivait âchi otiupaie d’ lai saicrich-tie. Ïn côp qu’ nôte tiurie airrivé ïn pô sains qu’ an l’aittendeuche, è trové, chus lai tâle laivou qu’ è botait ses leitourdgitçhes vétures, le p’tét creuch’fi virie d’ lai croûeye sen. Â tiurie qu’ yi d’maindait poquoi qu’ le creuch’fi était mâ virie, note Bregnaît réponjé : « I m’ seus dit qu’ è fayait drassie nôte Seigneû di temps qu’ Èl ât djûene, pochque vôs saîtes poi laivoù qu’ È veut péssaie ci grant-var ! » Mains, è n’ fât p’ rébiaie qu’ le pus ïmpoétchaint di temps de ç’te sïnte s’nainne, c’ était d’ faire ses Paîtçhes. Po conféssaie, les dgens allïnt dains lai boéte és mentes, aiprés aivoi fait ïn dgén’râ l’ éjâmen d’ couchieinche. Ç’ n’ était p’ aigîe d’allaie dire â conféssou tos les airtçhelons qu’ an aivait fait, è pe, c’était aidé ïn pô les meinmes… ! Ci Fernand, ïn poûere tchem’nou, ïn sains fichque demoére, c’ment qu’ an dit mit’naint, n’ allait â môtie ran qu’ è Paîtçhes pe è Nâ. Ïn bé djoué, sains qu’ i y’ demaindeu-che âtçhe, è m’ raiconté son péssaidge dains lai boéte és mentes : tiaind qu’ i eus r’contè â conféssou qu’ i aivôs fait ïn pô de tot, nôte tiurie m’ dié « Mains, ât-ç’ qu’ vôs èz tçhvè ? » Bïn chur que nian qu’ réponjé l’ Fernand. Dâli, yi dié l’ conféssou, vôs n’ èz p’ tot mâ fait. Dûe vôs paidgene ! Pe ch’ vôs piaît, r’venites bïntôt sayie l’ hierbe de mon tieutchi ! J-M. Moine

La semaine sainte

Tous les Jurassiens de mon âge se souviennent que la semaine sainte était celle des grands nettoyages : ceux de la maison, ceux de l’église, et bien sûr, ceux des âmes. Je crois que cela a un peu, ou beaucoup changé, de ce qui se passe aujourd’hui. Alors, remontons un peu le temps. On sortait devant la maison la grande lessiveuse, les gros baquets, la planche à laver le linge, le tréteau à linge, et puis tout ce qu’il fallait pour que les femmes fassent la grande lessive. On tendait les gros cordons entre les arbres du verger pour mettre la lessive à sécher. Dans la maison, on ouvrait tout grand les fenêtres et les portes pour faire des courants d’air pendant le balayage, le récurage et l’époussetage. Les jeunes du village, aussi bien les filles que les garçons allaient à l’église pour tout nettoyer. Comme je ne craignais pas de grimper sur une échelle, c’était à moi de prendre la poussière au haut des autels, et au haut de la chaire. Je me souviens qu’une fois, j’avais oublié de redescendre la brosse de Thérèse de dessus le petit chapiteau sous lequel se trouvait saint Nicolas de Flue ; eh bien, cette brosse y est restée une année… ! C’est Bernard, le sacristain, qui dirigeait les travaux. Lui devait aussi s’occuper de la sacristie. Une fois que notre curé arriva sans qu’on l’attende, il trouva sur la table où il mettait ses habits liturgiques, le petit crucifix tourné du mauvais côté. Au curé qui lui demandait pourquoi le crucifix était mal tourné, Bernard répondit : « Je me suis dit qu’il fallait dresser notre Seigneur pendant qu’Il était encore jeune, parce que vous savez par où Il passera ce vendredi saint ! » Cependant, il ne faut pas oublier que le plus important du temps de cette semaine sainte, c’était de faire ses Pâques. Pour se confesser, les gens allaient dans le confessionnal, après avoir fait un examen de conscience général. Ce n’était pas facile d’aller dire au confesseur tous les péchés qu’on avait faits, et puis, c’était toujours un peu les mêmes… ! Fernand, un pauvre chemineau, un sans domicile fixe, comme on dit maintenant, n’allait à l’église qu’à Pâques et à Noël. Un beau jour, sans que je lui demande quelque chose, il me raconta son passage dans le confessionnal : quand j’eus raconté au confesseur que j’avais fait un peu de tout, notre curé me dit « Mais, est-ce que vous avez tué ? » Bien sûr que non répondit Fernand. Alors, lui dit le confesseur, vous n’avez pas tout mal fait, Dieu vous pardonne ! Et s’il vous plaît, revenez bientôt faucher l’herbe de mon jardin ! J-M. Moine