Par : Fleury LJ
Publié : 4 novembre 2014

Les artisans

Les airtijaints

Jean-Marie Moine

{

Les airtijaints

} I échpére qu’ vôs èz yét le d’rie patois biat di onze d’ ot dous mil tiaitoûeje, qu’ i aî graiy’nè po l’ Aîrtçhe-Hèbdo. An yi djâsait d’ ci Pierat d’ Coéchèlles que tchaindgait, aiprés tchétçhe néchainche dains sai faimille, le p’tét nom d’ sai fanne. I seus t’ aivu tot ébâbi d’ conchtaitaie l’ bé l’ humoé de ç’té qu’ bote mes patois biats dains lai feuye, dains l’Aîrtçhe-Hèbdo. Èlle é tot sïmpyement tchaindgie mon p’tét nom : mit’naint, èlle m’aippele J-P. Moine, nian pus J-M. Moine. Raichurèz-t’vôs, i n’ aî piepe ïn poi l’ ïnteinchion d’ pâre ïn âtre p’tét nom. L’ mïn, le p’tét nom de Djeain-Mairie m’ é aidé défïnmeu piaîju. I pésse en âtre tchôje. Ces d’ries djoués, l’ Jurassien Djoén’lou (le QJ) nôs aippregnait qu’des airtijaints di Jura aivïnt fait des soûetches de tâles. Mains ç’ n’ ât p’ des tâles c’ment qu’ cés qu’ sont dains vôte tieûjènne obïn dains vôs poiyes. Nian, ç’ ât des grôs moubyes en frame de crâchaints, qu’ sont aivu c’maindè poi lai romainde sochietè d’laivïnmaîdge. An ont poéyu voûere ces tâles dains l’ émichion des novèlles, mains an n’les ont p’ che bïn vu qu’ ch’ lai photo d’ lai feuye. Çoli fait piaîgi d’ saivoi qu’ an trove encoé d’ nôs djoués, dains l’ Jura, des ôvries que coégnéchant défïnmeu tos les ailcans (tous les arcanes) d’ yôte métie. Ïn tot grôs braivo ! Di môment qu’ an djâse d’ airtij’nâ traivaiye, i veus vôs en r’contaie yènne qu’ m’ ât airrivè tiaind qu’ i ensoingnôs en l’ écôle d’ ïndgénieûs di Loûeçhe. I aivôs r’trovè, dains nôte d’gnie è Mont’gnez, ènne véye laimpe è hoile d’ eur’leudgère. I aivôs vu ç’te laimpe en loton bïn des côps dains l’ ait’lie d’ mon grant-pére. Mâl’hèyrouj’ment è mainquait l’ boûetchaîye. I môtré lai laimpe en yun d’ mes collédyes, ç’t’ André Humair (vôs voites qu’ ç’ était ïn Jurassien), qu’ était maître de prâtitçhe en mécainique, pe i y dié qu’ i ainm’rôs bïn épreuvaie de r’faire lai piece que mainquait. Ç’t’ André m’ bèyé ïn bout d’ loton pe m’ dié qu’ è v’lait bïn faire l’ ïntrannou pés d’ viche. Bïn qu’i n’ aiveuche dj’mais aippris ïn main’lou métie, è predju temps, i m’ boté è maign’laie ci bout d’ loton qu’ finâment ne r’sannait pe trop mâ â predju boûetchaîye. Ïn djoué, tot hèy’rou pe tiutat, i poétché ç’ qu’ i aivôs fait en nôte André. È pregné ç’te piece dains ses mains, lai raivoété en lai r’viraint dains totes les sens. Tot d’ ïn côp, è m’ dié : « È bïn, te vois, t’ és fait ïn tot bé traivaiye, mains c’ment que t’ n’ és p’ léchie ïn bout d’ loton po qu’ i poéyeuche t’ni lai piece po faire le pés d’ viche, i n’ en peus ran faire ! » Bal’ment, è tchaimpé lai piece â ch’ni, pe me r’ bèyé ïn âtre bout d’ loton ! { J-M. Moine}

Les artisans

J’espère que vous avez lu le dernier article patois du 11 août 2014, que j’ai écrit pour l’Arc-Hebdo. On y parlait du Pierre de Courcelles qui changeait, après chaque naissance dans sa famille, le prénom de sa femme. J’ai été très étonné de constater le bel humour de celle qui met mes articles patois dans le journal, dans l’Arc-Hebdo. Elle a tout simplement changé mon prénom : maintenant, elle m’appelle J-P. Moine, non plus J-M. Moine. Rassurez-vous, je n’ai pas du tout l’intention de prendre un autre prénom. Le mien, le prénom de Jean Marie m’a toujours beaucoup plu. Je passe à autre chose. Ces derniers jours le Quotidien Jurassien nous apprenait que des artisans du Jura avaient fait de drôles de tables. Mais ce ne sont pas des tables comme celles qui sont dans votre cuisine ou dans vos chambres. Non, ce sont de grands meubles en forme de croissants, qui ont été commandés par la société romande de télévision. On a pu voir ces tables dans l’émission des nouvelles, cependant on ne les a pas si bien vues que sur la photo du journal. Cela fait plaisir de savoir qu’on trouve encore de nos jours, dans le Jura, des ouvriers qui connaissent au mieux tous les arcanes de leur métier. Un très grand bravo ! Puisqu’on parle de travail artisanal, je vais vous en raconter une qui m’est arrivée quand j’enseignais à l’école d’ingénieurs du Locle. J’avais retrouvé, dans notre grenier de Montignez, une vieille lampe à huile d’horloger. J’avais souvent vu cette lampe en laiton dans l’atelier de mon grand-père. Malheureusement il manquait le bouchon. Je montrai la lampe à un de mes collègues, André Humair (vous voyez que c’était un Jurassien), qui était maître de pratique en mécanique, et je lui dis que j’aimerais bien essayer de refaire la pièce qui manquait. André me donna un bout de laiton et me dit qu’il voulait bien faire le pas de vis intérieur. Bien que je n’aie jamais appris un métier manuel, à temps perdu, je me mis à bricoler ce petit bout de laiton qui finalement ne ressemblait pas trop mal au bouchon perdu. Un jour, tout heureux et impatient, je portai ce que j’avais fait à André. Il prit la pièce dans ses mains, la regarda en la retournant dans tous les sens. Tout d’un coup, il me dit : « Eh bien tu vois, tu as fait un tout beau travail, mais comme tu n’as laissé aucun bout de laiton pour que je puisse tenir la pièce pour faire le pas de vis, je ne peux rien en faire ! » Tranquillement, il jeta la pièce au cheni, et me donna un autre bout de laiton ! {J-M. Moine}